Les promesses non tenues de la GRL
"Le gouvernement travaille à un système universel et solidaire pour l'ensemble des locataires et l'ensemble des propriétaires", dont l'objectif est de "sécuriser les propriétaires et faciliter l'accès au logement des locataires", a confirmé Cécile Duflot sur RTL le 28 janvier. Il s'agit évidemment de remédier aux carences des garanties actuelles auxquelles peuvent souscrire les bailleurs pour se protéger des impayés, et si possible à leur coût : celui-ci reste actuellement élevé (3 à 5% des loyers et charges appelés aux locataires en incluant les honoraires que prennent les administrateurs de biens pour la gestion de la garantie) et limite à 10 ou 15% la proportion des bailleurs qui y souscrivent, toutes garanties confondues : la "garantie loyers impayés classique que proposent de nombreux assureurs depuis plusieurs décennies (la "GLI"), et la GRL (garantie des risques locatifs) mise en place sous l'égide d'Action logement (le mouvement des collecteurs du "1% logement"), qui l'a promue et qui finance l'indemnisation des sinistres sur les populations que ne veulent pas couvrir les assureurs dans le cadre de la GLI.
La GRL n'est actuellement délivrée que par 3 assureurs qui ont opté pour cette formule, option qui leur interdit - on se demande en fin de compte pourquoi... - de délivrer en même temps de la GLI. La GRL couvre en fait toutes les populations de locataires non fonctionnaires, y compris ceux qui ont un taux d'effort au dessus de ce qui est considéré comme "normal" (30% des ressources), jusqu'à 50%, ainsi que des locataires au chômage ou en situation précaire.
Le problème est que globalement, ces deux types de garantie n'ont convaincu qu'une petite minorité de bailleurs, qui préfère pratiquer la sélectivité plutôt que s'assurer. S'ajoute à leur réticence l'interdiction depuis 2009 pour tous ceux qui s'assurent - en GLI comme en GRL - de demander à leurs locataires une caution personnelle. Cette mesure partait d'un bon sentiment, mais elle a eu l'effet inverse de celui recherché : cette sécurité - une caution des parents en général, plus rarement de l'employeur ou d'une banque - a beau - tous les spécialistes le savent - être difficile à mettre en oeuvre et au final peu productive, les bailleurs y tiennent comme à un fétiche... Du coup, ils ne souscrivent une GLI ou une GRL que quand ils ne trouvent pas de locataires suffisamment sécurisants, ce qui conduit à ne soumettre à ces garanties que les mauvais risques : cercle vicieux qui pousse à des primes élevées qui découragent la souscription et ainsi de suite !
L'introuvable mutualisation des risques
On sait depuis longtemps qu'une garantie obligatoire et unifiée permettrait d'assurer une mutualisation des risques de nature à faire baisser le coût de la garantie peut-être jusqu'à 1%. Une telle mutualisation figurait dans le programme du candidat Jospin en 2002, elle était en filigrane comme étape ultérieure dans la GRL 1ère version mise en place en 2005 sous Jean-Louis Borloo, elle était promise par le candidat Sarkozy en 2007, puis par le président Sarkozy en 2008 ! Mais aucun ministre n'a osé passer en mode obligatoire, notamment Christine Boutin quand elle a mis en place la version actuelle de la GRL, la "GRL 2", ni obliger les assureurs à abandonner la GLI au profit d'une garantie unifiée (1). Ni aussi - c'est moins connu - enlever à un grand groupe d'administration de biens comme Foncia, qui appartenait à l'époque au groupe Banques Populaires, la possibilité de jouer lui-même les assureurs de loyers impayés par le biais du principe juridique particulier du "ducroire"...
Trois pistes de travail
Aujourd'hui à la croisée des chemins, et désireux de redonner aux investisseurs privés le goût de l'immobilier locatif, ébranlé par la politique fiscale récente (y compris de l'époque Fillon) mais aussi et surtout par la disparition pour un temps des espoirs de plus-values, le gouvernement étudierait 3 pistes. Une première consisterait à rendre cette assurance obligatoire pour les propriétaires, comme l'est l'assurance automobile ou l'assurance construction. D'aucuns y voient le risque de heurter le droit de la propriété et le droit des assurances, et donc celui d'une censure du Conseil constitutionnel : on ne voit pas forcément pourquoi, mais chat échaudé craint l'eau froide...
Une deuxième solution consisterait en un prélèvement (d'environ 2% ?) sur les loyers – correspondant au niveau global d'impayés en France logement social compris – qui alimenterait un fonds national pour financer cette assurance universelle. La taille de ce fonds serait de 400 millions d'euros pour une garantie d'un an, et le double pour une garantie de 2 ans, plus proche des formules actuelles.
Enfin, une troisième piste, moins contraignante, viserait à obliger les assureurs à vendre une garantie unique, à la fois GLI et GRL, dont les contours seraient définis par les pouvoirs publics. Les bailleurs qui la refuseraient seraient alors soumis à une taxe plus élevée que le prix de l'assurance pour les pousser à la souscrire. Des dispositions particulières pour ceux qui louent à des membres de leur famille, donc sans risque d'impayés, seraient prises.
Est-on en présence des seules pistes ? Pas sûr : contactés par Capital.fr, les partenaires sociaux d'Action Logement confirment qu’un rapport devrait bien être rendu public dans les prochains jours. Mais selon eux, aucun des trois scénarii ne tient la corde"... Il y a deux semaines, les dirigeants de l'APAGL, organisme dépendant d'Action Logement qui met en oeuvre la GRL, affirmaient ignorer tout des réflexions et discussions en cours sur l'avenir de cette garantie !
Réponse dans la "grande loi Logement et urbanisme"
Cécile Duflot s'est fixée l'objectif d'aboutir ce printemps dans le cadre de la "grande" loi cadre sur le logement et l'urbanisme mise en chantier. Elle aurait le plein soutien du Premier ministre et du président de la République. Ce dernier a indiqué le 23 janvier lors d'un déplacement à Grenoble avoir demandé au gouvernement de préparer la création d'une "garantie universelle et solidaire des risques locatifs", une mesure destinée en particulier aux jeunes.
Elle en aura besoin face au lobby des assureurs, qui veille au grain, et à celui des propriétaires, UNPI (Union nationale de la propriété immobilière) en tête, dont le président, Jean Perrin, après avoir réclamé depuis des années une garantie universelle, demande désormais que le coût en soit supporté par les locataires, ce qui heurte à la fois la logique la plus élémentaire - ne s'assure que celui qui subit un risque sur lequel il n'a aucuns prise - et la logique économique : il s'agit en France de faire baisser le coût du logement pour les locataires, qui pèse lourdement sur le pouvoir d'achat et la croissance (2), pas de l'augmenter...
Les professionnels sont plus partagés : la FNAIM est favorable à la GRL (la CGAIM, l'assureur initialement fondé par elle est l'un des trois qui délivrent la GRL) ; l'UNIS et de nombreux administrateurs de biens qui pourtant proposent à leurs clients la GLI y voient un facteur de déresponsabilisation des locataires. Vision plus idéologique que réelle car l'on sait, du moins dans le système actuel, que l'assureur qui indemnise un bailleur se retourne immédiatement contre le locataire défaillant, d'abord en vue d'obtenir son expulsion et en second lieu pour recouvrer le coût de cette indemnisation...
(1) Universimmo.com - 11/12/2010 : "Il faut sauver la GRL !"
(2) Universimmo.com - 9/11/2012 : "Le coût du logement : un boulet pour la compétitivité de l'économie française !"
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Commentaire posté par
VID
, le
12/8/2013 à 16h40 La caution solidaire d'une personne solvable et stable restera la moins mauvaise des solutions: connaissant le cautionné c'est qu'elle lui fait confiance et le dit cautionné aura scrupule à la mettre en cause. Et la poursuite restera possible, cela demande du temps mais on aboutit. Ce qui peut-être problématique, c'est la libération du logement si le locataire s'incruste ou laisse la place à quelqu'un d'autre.
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Commentaire posté par
Kiwala
, le
10/3/2013 à 18h46 Non seulement il serait injuste que cette assurance soit obligatoire, quand, pour le moment, on a le choix entre l'assurance ou la caution solidaire, non seulement il serait injuste que le coût de cette assurance soit imputé au propriétaire, et au seul propriétaire, mais cela est une vue de l'esprit : bien entendu, tout propriétaire bailleur qui, jusqu'ici, n'augmentait pas ses loyers autant qu'il en aurait eu la faculté légalement – et ils sont nombreux à ne pas le faire – les augmentera, dès lors, jusqu'au plafond légal.
De plus, un risque mutualisé, on connaît et on sait ce que ça donne, il n'y a qu'à voir le "trou" de la Sécu qui s'agrandit d'année en année : on peut parier que le coût de cette assurance grimpera aussi vite que grimpera le nombre des impayés de loyers, d'année en année, d'autant que les assureurs seront de plus en plus mis à contribution pour multiplier les procédures longues et coûteuses : jusqu'ici, un bailleur devait se débrouiller seul pour récupérer ses loyers et subvenir à ses frais de justice, demain ses coûts de procédure et pertes de loyers seront mutualisés : comment penser que cela ne retombe pas sur l'ensemble des bailleurs, et comment trouver cela juste ?
Cela rendra-t-il les bailleurs imprudents ou négligents plus prudents et moins négligents pour autant ?
Je crains pour ma part une explosion des coûts d'assurance, donc : a-t-on vu ailleurs que cela ne soit pas le cas ?
"Mutualiser" un risque, en France, revient quasi fatalement à accroître sans cesse la participation de chacun, en déresponsabilisant ceux qui sont à la source du "trou" : les locataires indélicats autant que les bailleurs imprudents ou négligents.
Ce qui, au final, ne fera que renchérir d'autant les loyers, et surtout détourner d'autant les investisseurs locatifs... qui, pris au piège de cette mutualisation forcée, iront investir LEUR argent dans d'autres pays ou d'autres secteurs où ils auront encore la liberté de calculer et gérer eux-mêmes leur risque !
Sauf si on mutualise AUSSI la gestion des biens... théoriquement privés, je ne vois pas comment on va limiter le nombre des bailleurs négligents... Or les locataires ne sont pas les seuls à se trouver à la source des impayés : bien souvent, il y a aussi un bailleur soit ignorant, soit imprudent, soit négligent, soit simplement trop rapace... Devrons-nous payer pour tous ???
Derrière cette assurance obligatoire se profile, je le vois déjà, le contrat de bail au contenu imposé... Car les assureurs, fatalement, voudront intervenir à ce niveau. Autant dire que cet investissement "privé" aura de moins en moins de caractère "privé" !
La relation bailleur/locataire risque de devenir bientôt une relation sur un mode imposé, et adieu les investissements privés ! Quel bailleur acceptera de prendre un risque dont la gestion lui échappera ? Quand on connaît, de plus, l'efficacité de la justice, déjà encombrée à souhait... Pourquoi forcer tout un chacun à devoir y recourir, s'il préfère gérer autrement ? Car qui dit "assurance" dit, forcément, multiplication des procédures...
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Commentaire posté par
ivaldi
, le
2/2/2013 à 21h26 L'assurance obligatoire n'est certainement pas une bonne réponse aux problèmes des impayés locatifs et comme le dit un intervenant précédent le résultat sera une augmentation des loyers. La formule de la GLI contrairement à ce que vous affirmez a eu un succès grandissant auprès des professionnels(j'en suis un à la retraire).Les taux moyens que vous annoncez me parissent très élévés. Ils sont plutôt compris entre 2,5 et 3%.Mais je peix vous assurez que les proffessionnels n'ont eu de cesse que d'inciter leurs mandants à la souscrire. Pour en avoir essayer plusieurs je peux vous dire qu'elles donnent satisfaction lorsqu'on les mets en jeux à condition d'avoir respecté nos obligations quand à la constitution du dossier locataire.
Par contre il conviendrait de revenir sur la mesure néfaste qui a consisté à interdire le concours d'un garant lorsque l'on souscrit une GLI et que les assureurs acceptent de garantir le bailleur particulier car c'est très difficile à l'heure actuelle. Pourquoi pas un contrat type(il peut y avoir des options) avec obligation pour les assureurs de le souscrire si un particulier le demande.
Mais de grâce, on s'est débarrassé du droit de bail et de la taxe additionnelle, pas d'assurance obligatoire.
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Commentaire posté par
PERRIN
, le
2/2/2013 à 11h01 Une Garantie des risques Locatifs Universelle et Ethique (GLUE) permettrait de mieux coller aux besoins financiers mais aussi sociétaux des bailleurs
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Commentaire posté par
lvr
, le
2/2/2013 à 10h06 Je vous desire réagir a votre commentaire :
" ce qui heurte à la fois la logique la plus élémentaire - ne s'assure que celui qui subit un risque sur lequel il n'a aucuns prise -"
Il s'agit ici d'une logique purement francaise qui fait réagir tous les autres pays dans le monde.
Un bail est un contrat, et celui qui présente un risque de ne pas pouvoir l'honorer doit pouvoir s'assurer. Le risque d'impayé de loyer est un risque que devrait garantir le locataire au même titre que de fournir une caution solidaire.
Pourquoi alors dans votre logique, devrait-on assumer une assurance lors de la soucription d'un pret, dont le risque est subit par la banque ?
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Commentaire posté par
nono9349
, le
1/2/2013 à 20h58 Et bien voici encore une nouvelle taxe (assurance obligatoire), pour soit disant mutualiser un risque et ainsi tomber dans la poche de l'état et couvrir les logements sociaux qui sont régulièrement dégradés avec un grand nombre d'impayés. Mais le résultat sera simplement une augmentation des loyers au moins égale à cette nouvelle taxe illogique et non fondée.
Chacun doit pouvoir louer avec une assurance loyer impayé ou non, chacun son choix.
Surtout quand on sait que les assurances sont toujours absentes lors de sinistre, il y a toujours une clause pour ne rien verser...
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