(Suite de la 1ère partie)
La clause de réitération par acte authentique
Si le transfert de propriété ne peut être réalisé que par acte notarié (l'acte est "authentique" quand il est "reçu" - pas forcément rédigé - par un officier ministériel, et en l'occurrence les notaires en ont le monopole), cette formalité n'est pas "une condition de formation de la vente, mais une modalité de son exécution, dont la non réalisation ne pouvait pas remettre en cause l'existence de la vente, mais seulement permettre à chaque partie, à l'expiration du délai pour la réalisation de l'acte authentique, d'agir en exécution forcée ou en résolution avec dommages et intérêts" ! La formule est de la Cour de cassation (1) et résume parfaitement les fonctions respectives de l'avant-contrat et du contrat de vente définitif.
L'avant-contrat comporte la plupart du temps une clause fixant une date limite à la signature de l'acte notarié : cette clause dans sa rédaction la plus fréquente ne rend pas caduque la vente en cas de dépassement de la date limite mais autorise l'une ou l'autre des parties à exiger la signature et à défaut de la forcer par voie judiciaire ; c'est du moins le cas quand la clause ne fait pas explicitement de la réitération devant notaire une condition de la formation de la vente ! La clause doit donc être lue avec attention et il ne faut pas hésiter en cas de doute à solliciter un juriste, quitte à décaler la signature de l'avant-contrat de quelques heures (2)...
Les acquéreurs doivent en particulier veiller à ce qu'elle ne puisse induire, en cas de dépassement du délai, une libération du vendeur de son obligation de vendre ! Ils doivent également être particulièrement vigilants quant aux clauses les obligeant à avoir versé les fonds entre les mains du notaire chargé de l'acte à une certaine date sous peine de caducité de la vente : de telles clauses s'analysent comme une condition suspensive jouant en faveur du vendeur ; ces dernières clauses se rencontrent souvent dans les cas où l'acquéreur a renoncé à la condition suspensive de crédit - en général pour être préféré par le vendeur ou bénéficier d'un meilleur prix - tout en se sachant obligé de recourir à un crédit ; dans les deux cas le vendeur souhaitant se dégager peut retarder la préparation de l'acte notarié (par exemple en ne fournissant pas toutes les pièces nécessaires), et dans le second cas, sans projet d'acte, la banque ne peut débloquer les fonds...
La prudence s'impose donc même si une jurisprudence récente de la Cour de cassation est venue instiller quelques grammes d'humanité dans ce qu'il faut bien considérer comme un monde de brutes : elle a en effet dénié à un vendeur le droit de se prévaloir de la non-réalisation d'une condition suspensive au motif qu'il a fait preuve d'une mauvaise foi caractérisée dans son comportement à compter de la signature de l'avant-contrat (2) !
La date de jouissance
Elle doit normalement être mentionnée. Elle est en général fixée à la date de la signature de l'acte authentique, mais elle peut différée, plus rarement anticipée, par exemple pour commencer des travaux.
Dans les deux cas, il n'y a création d'aucun titre d'occupation, ni bail ni prêt à usage à titre gratuit : il ne s'agit que d'une modalité de l'exécution d'une des obligations du vendeur, à savoir la délivrance du bien à l'acquéreur.
Dans le cas de la jouissance différée, le risque est pris par l'acquéreur, qui peut après la signature se trouver avec un vendeur qui va se maintenir dans les lieux au delà du terme prévu ! Certes, l'acquéreur a les moyens juridiques de faire valoir son droit, soit en faisant annuler la vente, soit en se faisant indemniser pour la privation de jouissance et tous les préjudices induits, mais encore faut-il qu'il en passe par une expulsion, et que le vendeur ne se soit pas évanoui dans la nature avec le prix de la vente le jour où il faudra faire exécuter un jugement de condamnation...
A l'inverse, une jouissance anticipée constitue un risque principalement pour le vendeur, qui, si la vente ne se réalise pas, risque de se retrouver avec un occupant dont il devra se débarrasser ou qui laissera le bien sans dessus dessous après avoir entrepris des travaux interrompus !
Dans les deux cas, la partie qui prend le risque a intérêt à se prémunir en fixant des pénalités forfaitaires et par jour de retard ; dans le cas de la jouissance différée, la mise sous séquestre d'une partie du prix de vente est également conseillée.
Le bien, ses servitudes et son état...
La consistance et la qualité exacte du bien, son état réel et les servitudes susceptibles d'en grever la jouissance constituent le principal risque de l'acquéreur et la première source de litiges !
L'acquéreur est censé accepter le bien tel qu'il est dans tous ses aspects, physiques, juridiques, administratifs, etc. au jour de la formation de la vente, c'est à dire celui de l'avant-contrat ; il est censé en avoir pris connaissance et avoir procédé à toutes les vérifications qui lui sont normalement accessibles : visite de "fond en combles" (pour les maisons ce n'est pas une clause de style, et de manière générale), vérification des garanties du constructeur ou des entreprises ayant réalisé des travaux qui en sont assorties, vérification du ou des permis de construire et des certificats de conformité, vérification des servitudes et des limitations mentionnées aux actes, prise de connaissance des caractéristiques et de la situation de la copropriété (4) ou du lotissement s'il y a lieu (règlement de copropriété ou cahier des charges et statuts de l'ASL (5), comptes, procès-verbaux d'assemblées), etc.
Aucun défaut "normalement" visible, autrement que par investigations nécessitant une technicité, une compétence et des moyens particuliers, ne peut plus être soulevé ; seuls les "vices cachés" peuvent donner lieu à réclamation, justifiant une annulation de l'avant-contrat ou une réduction du prix.
Mieux vaut aussi pour l'acquéreur de savoir d'avance que le vendeur, sera probablement protégé dans l'acte authentique par une clause d'exonération de la garantie des vices cachés : les notaires l'incluent systématiquement dans les actes et il est difficile de la faire retirer au moment de la signature ! A moins que le vendeur ne soit un professionnel de l'immobilier, ou d'avoir négocié le contraire dans l'avant-contrat...
Toutefois cette clause ne joue que si le vendeur peut prétendre avoir ignoré le vice. Du coup, l'acquéreur a intérêt à se protéger en sollicitant dans l'avant-contrat des "déclarations" les plus précises possibles du vendeur concernant son bien (tous les actes en comportent normalement mais elles sont la plupart du temps très générales) en privilégiant les aspects qui représentent le plus de risques, notamment pour les maisons (absence de problèmes affectant le bâti, respect de la réglementation en matière d'assainissement, absence de risques liés au sous-sol, etc.), et accessoirement ceux qui ont le plus déterminé la décision d'acheter ; avec de telles déclarations, le vendeur peut plus difficilement prétendre ne pas s'être préoccupé du problème...
Par contre, si l'échange des consentements s'est effectué en fonction d'un état du bien et d'une situation à la date de l'avant-contrat, le vendeur doit s'interdire d'y porter atteinte, soit en dégradant son bien, soit en acceptant des servitudes ou des limitations nouvelles avant le transfert de propriété et l'entrée en jouissance ! Pour l'état du bien se pose le problème de la preuve : en l'absence de la possibilité d'établir un état des lieux, il n'est pas inutile de prendre quelques photos, par exemple en prétextant l'étude de futurs travaux !
Bien entendu le risque de dégradation du bien se pose a fortiori en cas de jouissance différée : dans ce cas, il ne faut pas hésiter à faire dresser un état des lieux par huissier, bien utile le jour où il s'agira de prendre possession des lieux...
Attention aux lofts et aux locaux transformés
Les biens résultant de la transformation de locaux commerciaux ou industriels en logements présentent un risque tout particulier pour l'acquéreur, qui, à défaut de pouvoir faire immédiatement les vérifications nécessaires a intérêt à faire consigner de la part du vendeur des déclarations précises quant à l'obtention des autorisations administratives relatives à la transformation (permis de construire et certificat de conformité, quant à la régularité de la situation vis à vis de la copropriété éventuelle, quant à la conformité des aménagements aux prescriptions du règlement sanitaire départemental, quant à la réalisation des travaux par des entreprises qualifiées et le bénéfice des garanties décennales et biennales correspondantes, etc. (6)
La copropriété ou le lotissement...
Des clauses particulières règlent le partage des obligations du vendeur et de l'acquéreur concernant les charges et le financement des travaux et de la trésorerie du syndicat ou de l'ASL : règlement des charges jusqu'au jour de l'entrée en jouissance, prise en charge intégrale de la quote-part des travaux votés avant la vente, et récupération de l'avance de trésorerie ("fonds de roulement") sont les conditions les plus courantes bien qu'elles ne soient pas obligatoires ; les nouvelles règles applicables dans les copropriétés déchargent le syndic de toute obligation de faire le compte entre les parties (7), et les statuts des ASL sont en général avares d'indications ! Du coup, des conventions précises doivent être passées dès l'avant-contrat, dont l'exécution relève des seuls contractants quitte à provisionner les sommes nécessaires, faute de quoi s'applique la règle de la "continuité du lot" : le compte de l'acquéreur commence là ou s'est arrêté celui du vendeur, avec pour seule obligation pour ce dernier de régler ses arriérés et toutes sommes "exigibles" avant la signature définitive...
Seul "bémol" en copropriété : désormais, le vendeur a droit légalement au remboursement de son avance de trésorerie et des "provisions article 18", à savoir celles appelées sur décision de l'assemblée pour travaux futurs.
Cas particulier du bien ou immeuble loué
Une attention toute particulière doit être portée à la situation locative de chaque local : situation juridique (nature des baux, litiges en cours, etc.), arriérés de loyers éventuels (devant normalement revenir au vendeur), transmission des dépôts de garantie entre les mains du vendeur ou de son mandataire, arriérés éventuels de régularisation des charges, etc.
Les logements et locaux loués étant souvent difficilement visitables, des déclarations précises doivent être formulées par le vendeur et l'acquéreur doit être garanti par ce dernier de toutes obligations auxquelles il pourrait être soumis eu égard à l'état des locaux : obligation de réparations, de mise en conformité, de remboursement de trop perçu de charges, sans compter les conséquences d'éventuels non respect du droit et des contrats !
Le vendeur doit également s'obliger à transmettre les dossiers de location et toutes archives en sa possession, et mieux vaut formuler cette obligation de la façon la plus précise possible : en citant le type de pièces : baux et avenants, contrats d'assurance et d'entretien, courriers, comptes et pièces justificatives, etc. Ainsi, à défaut de transmission le moment venu, l'acquéreur sera fondé à annuler la vente ou demander une diminution du prix...
Dernier point, et ce n'est pas le moindre : si le vendeur bénéficiait d'engagements de caution pour certains locataires, il doit s'engager à obtenir des cautions un report de leur engagement sur l'acquéreur; en effet autrement, les créances nées d'un engagement de caution étant à caractère personnel, l'acquéreur ne pourrait les faire jouer !
Attention aux conditions "potestatives"
Est nulle en droit l'obligation contractée sous une condition purement "potestative" de la part de celui qui s'oblige, la condition potestative étant celle qui fait dépendre l'exécution de la convention d'un événement qu'il est au pouvoir de l'une ou l'autre des parties de réaliser. La Cour d'appel de Paris l'a rappelé (8) en considérant comme nulle la promesse de vente sous condition suspensive que "le promettant obtienne des services compétents d'une autorisation de changement d'affectation du bien pour que celui-ci puisse être affecté à usage d'habitation", dès lors que sa réalisation dépend du seul bon vouloir du vendeur...
L'inclusion d'une telle condition permet à la partie qui en est lésée de demander la nullité de l'acte.
Par contre n'est pas considérée comme telle la condition suspensive qui fait dépendre l'achat de la vente d'un autre bien (9) ; encore faut-il comme pour la condition suspensive de crédit que l'acquéreur prouve qu'il a fait tout ce qu'il pouvait pour réaliser la condition et qu'il ne l'a pas compromise par exemple en fixant un prix trop élevé...
En conclusion...
On se douterait que la vente ou l'achat d'un logement ou d'une maison ne puissent être aussi simples que ceux d'une paire de chaussures, mais cet acte juridiquement banal subit la complexité de l'environnement institutionnel et réglementaire de l'immobilier ; résultat : ne pouvant être instantané, ne serait-ce que pour les contraintes du financement, et tributaire de contextes aussi variés que ceux de la copropriété, de l'urbanisme, du bâtiment et de la construction, il comporte des risques insoupçonnés du profane qui font que - vendeur ou acquéreur - ce dernier a intérêt à recourir dès le départ, en tous cas dès avant la signature de l'avant-contrat, à l'assistance d'un conseil propre, avocat ou notaire !
La pratique très répandue d'une signature rapide de la promesse de vente pour arrêter l'affaire, même sous la houlette d'un agent immobilier, est à éviter, notamment dans l'intérêt de l'acquéreur : après tout, l'agent immobilier est dans la majorité des cas d'abord mandaté par le vendeur !
Du coup, l'acquéreur est en principe mieux protégé avec un avant-contrat fait devant notaire. Au demeurant, la pratique du double notaire est fortement conseillée, chaque partie étant alors assistée par un professionnel a priori compétent et susceptible d'être dévoué aux intérêts de son client...
(1) Cass., 3ème Ch. civ., 29 novembre 2000, n°98-20502
(2) Cass., 3ème Ch. Civ., 23 juin 2004, n°03-12207
(3) les formules d'avant-contrats disponibles auprès des éditeurs spécialisés ou fournies par les fédérations professionnelles d'agents immobiliers ne comportent pas de pièges susceptibles d'être utilisés par un contractant malicieux ; il convient par contre d'être vigilant quant aux clauses manuscrites ajoutées à la demande d'une des parties ou par le professionnel qui concourt à l'acte ; par ailleurs, en dehors des avant-contrats signés chez un notaire ou un huissier, mieux vaut refuser un texte dactylographié dont l'origine n'est pas identifiée : il peut être truffé de "chausse-trappes"...
(4) notre article "Avant d’acheter en copropriété" et notre article "Acheter dans une TPC (très petite copropriété) ?..."
(5) Association syndicale libre - voir notre article "Fin du laxisme pour les ASP ?"
(6) notre article "Acheter un loft : bons plans et pièges à 'bobos'... "
(7) notre article "Sérieux toilettage des règles de fonctionnement des copropriétés"
(8) CA Paris, 17 juin 2004
(9) Cass. 3ème Ch. civ., 22 novembre 1995, no 93-10019
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Commentaire posté par
gallet eric
, le
15/9/2009 à 10h47 bonjour je suis vendeur j'ai signe un compromis de vente le 17 juillet nous devions signe l'acte final debut sept et a 5 jours de la signature les acquereurs se sont separes et ont donc renonces au bien les 2 conditions suspensives etant le deces de l'un ou de l'autre et la non obtention du pret pret qui etaient valide par le siege de leur organisme financier apres verification du notaire ? 1 puis-je leurs demandes des dommages et prejudices morales au vues de la situation que ca engendre et voir de leurs imposes l'achat en justice ainsi qu'un prejudice merci
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