|
ACTUS
Règlements de copropriété : la grande pataugeoire...
Le
28/5/2003
|
|
Deux réponses ministérielles et une recommandation de la Commission relative à la copropriété tentent d'apporter quelques réponses aux interrogations croissantes soulevées par une des dispositions phares de la loi "SRU" : la prescription de procéder aux "adaptations" des règlements de copropriété rendues nécessaires par les modifications législatives intervenues depuis leur établissement ! A moins de deux ans et demi de l'échéance, et alors que deux décrets importants qui doivent être pris en compte dans les "adaptations" ne sont toujours pas parus, les prestations et les budgets standardisés proposés par les syndics sans grande conviction ce printemps à toutes les assemblées sont accueillis avec méfiance alors que deux questions importantes sont loin d'être tranchées : est-ce obligatoire, et jusqu'on peut-on aller dans l'adaptation, notamment sur la seule question qui intéresse vraiment les copropriétaires : la répartition de charges...
|
Pas une assemblée cette saison où la question n'ait pas été à l'ordre du jour : les copropriétaires ont pour la plupart découvert cette année une obligation - une de plus ? - censée améliorer le fonctionnement des copropriétés en toilettant leur bible et règle du jeu : le règlement de copropriété. Souhaitée par les organisations de consommateurs, l'ARC (Association des responsables de copropriété) en tête, une disposition de la loi "SRU" a en effet créé un article 49 dans la loi du 10 juillet 1965 permet d'adopter dans des conditions de majorité et de frais de publicité foncière réduites au minimum les "adaptations du règlement de copropriété rendues nécessaires par les modifications législatives depuis son établissement".
L'intention était louable : du fait des nombreuses réformes intervenues (1965, 1985, 1994 et 2000 pour ne citer que les principales), les règlements anciens sont devenus obsolètes, et leur lecture ne permet plus depuis longtemps aux copropriétaires d'y retrouver les règles de fonctionnement applicables réellement à leur copropriété !
L'ennui est que les copropriétaires qui devraient être les premiers intéressés ne sont pas vraiment demandeurs de ce toilettage, et que, quand ils le sont, c'est pour y changer des dispositions qui n'entrent qu'exceptionnellement dans le champ de la dérogation, et en particulier les répartitions des charges ! Et surtout, ils découvrent que ce n'est pas gratuit ! Certes, le modificatif ainsi adopté pourra être publié au droit fixe (75 euros), mais l'élaboration elle-même met en oeuvre des prestations autrement plus coûteuses, et dont la découverte provoque des débats d'autant plus houleux que les syndics qui les proposent ont du mal à convaincre !
Car ils se sont une fois de plus simplifié la vie : comme pour l'amiante, le plomb ou les termites, ils ont passé chacun ses accords et proposent sans appel d'offres ni mise en concurrence des prestations standardisées, proposées par des cabinets d'avocats ou des officines créées pour l'occasion, à des prix variables mais souvent élevés, surtout pour de petits immeubles (2 à 3.000 euros, qui n'incluent pas toujours les frais de publication) !
L'application de cette mesure pose en fait trois grandes questions : est-ce obligatoire, quelles adaptations sont concernées, et comment s'y prendre ?
C'est au moins aux deux premières que coup sur coup deux réponses ministérielles (1) en avril et une recommandation de la Commission relative à la copropriété la semaine dernière, la 23ème depuis sa création, ont tenté de répondre :
Est-ce obligatoire ?
Ministre et Commission relative à la copropriété adoptent une position plus souple que la majorité des juristes qui estimait, en raison de la formulation de l'article 49 ("l'assemblée décide" et non "peut décider") que l'adaptation était obligatoire : ils reconnaissent que "le législateur n'a prévu aucune sanction pour le cas où l'assemblée générale ne déciderait pas de procéder aux adaptations rendues nécessaires avant le 13 décembre 2005, si ce n'est l'impossibilité de recourir à la majorité de l'article 24 et la nécessité alors de recourir aux procédures prévues à titre permanent par la loi du 10 juillet 1965"...
Ce que cette position ignore cependant, c'est que la décision "de ne pas faire" relève quand même de l'assemblée générale, et qu'il faut, pour cela lui présenter au moins une analyse des adaptations qu'elle serait susceptible d'adopter...
Quelles adaptations ?
De nombreuses ambiguïtés subsistaient sur la formulation "adaptations du règlement de copropriété rendues nécessaires par les modifications législatives depuis son établissement" : chaque terme est dorénavant explicité dans le sens annoncé par son président dans un article que nous rapportions en janvier 2002 (notre article) :
- doivent être prises en compte les modifications de loi mais aussi du décret d'application : ceci implique notamment que doivent être prises en compte les modifications qui seront apportées au décret du 17 mars 1967 par un des deux décrets en attente de publication (notre article);
- les termes de "modifications législatives" s'opposent en revanche à la prise en compte d'évolutions jurisprudentielles ;
- les modifications législatives doivent être intervenues strictement après "l'établissement" du règlement ; elles peuvent être prises en compte dans des dispositions du règlement introduites ultérieurement par modificatif...
- les modifications de répartition de charges ne peuvent être adoptées sous la procédure de l'article 49 que dans la mesure où les grilles actuelles ne respectent pas les critères de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, et notamment celui de "l'utilité" s'agissant des "charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun" ; en aucun cas des modifications ne peuvent être adoptées sous ce couvert pour des erreurs de calcul ou une mauvaise application du critère, et bien entendu le règlement doit être antérieur au 10 juillet 1965 puisque les articles 10 et 5 n'ont pas été modifiés depuis...
Notons aussi que, si les tantièmes de charges communes peuvent être modifiés pour être mis en conformité avec les dispositions de ces articles, les quotes-parts des parties communes sont quant à elles intangibles, relevant de la liberté contractuelle des copropriétaires successifs et ne pouvant être modifiés qu'à l'unanimité (2) !
Comment s'y prendre ?
Pour la première fois une instance officielle s'exprime sur le sujet et conforte la position que nous exprimions dans notre article de janvier dernier :
"Considérant que l'adaptation du règlement de copropriété constitue un acte majeur dans la vie du syndicat et appelle un soin tout particulier, de sérieuses études préalables et une large concertation, afin d'éviter tout contentieux ultérieur, notamment tout contentieux formel ;
"Considérant que l'adaptation ne peut, en conséquence, s'improviser, ni faire l'objet d'une seule assemblée, tant il est nécessaire de procéder par étape ;
"Recommande au syndic de procéder à une concertation avec le conseil syndical pour recenser les adaptations rendues nécessaires"...
La question reste évidemment entière de savoir à qui confier la prestation : celle-ci, pour des raisons de disponibilité introuvable quand ce n'est pas pour des raisons de qualification, ne peut être confiée chez le syndic, même sur honoraires supplémentaires, au gestionnaire en charge de la copropriété, et doit donc l'être à des intervenants idoines fussent-ils internes, et se pose alors le problème de leur choix !
On ne peut reprocher aux syndics de proposer leur solution mais force est de constater que peu offrent leurs propres services, et que, s'agissant pour les autres de prestataires extérieurs, peu offrent un choix ouvert et transparent : la plupart du temps il s'agit de solutions plus ou moins "captives", en général des prestations d'entités avec lesquelles le syndic a passé un accord de partenariat plus ou moins exclusif quand il ne s'agit pas de sa propre créature...
Par ailleurs, il s'agit la plupart du temps d'approches "packagées", publication comprise, qui, à y regarder de plus près, prévoient nécessairement une prestation "a minima" : la saisie sur support numérique du règlement et une simple mise à jour des clauses concernant l'administration de la copropriété, quand ce n'est pas un "copier-coller" d'un règlement type qui peut au passage ignorer toutes les clauses spécifiques dont était pourvu le règlement d'origine et qui doivent être conservées...
Rares sont celles notamment qui comportent une étape préalable de discussion et analyse préalable des besoins avec le conseil syndical afin d'identifier l'ampleur des modifications désirées et les soumettre aux copropriétaires pour approbation avant de lancer des réalisations coûteuses...
Décidément, la copropriété est et restera longtemps rebelle aux traitements de masse !
(1) n° 10631 et n° 12894 du 14 avril 2003, consultables sur le site de l'Assemblée nationale
(2) Pierre Capoulade, Revue de l'Habitat Français, avril 2003 - il est peut-être utile de rappeler que les tantièmes de copropriété (quotes-parts des parties communes qui déterminent les voix des copropriétaires en assemblée ne sont pas forcément identiques aux tantièmes de répartition des charges communes générales...
NDLR : La question est fréquemment posée de savoir si l'état descriptif de division peut être concerné par l'article 49 de la loi du 10 juillet 1965, par exemple quand la définition et la numérotation des lots n'est plus conforme aux règles actuelles de la publicité foncière : citons une fois de plus Pierre Capoulade dans l'article déjà cité, qui semble clore le débat de manière à peu près définitive :
"L’article 49 mentionne exclusivement le règlement de copropriété. Cela exclut –il les autres documents de la copropriété ?
"Inséré dans la loi du 10 juillet 1965, l’article 49 ne peut viser que le règlement de copropriété au sens et pour l’application de cette loi.
"Aux termes de l’article 8 de la loi de 1965, le règlement détermine la destination des parties tant privatives que communes ainsi que les conditions de leur jouissance et les règles relatives à l’administration des parties communes. L’article 1er du décret de 1967 prévoit que le règlement comporte aussi l’état de répartition des charges. L’article 3 (al.3) du même décret précise que seules les stipulations prévues à l’article 8 (al.1) de la loi et 1er (al.1) du décret constituent le règlement au sens de la loi. Enfin, ce document ne peut outrepasser l’objet du syndicat, tel que défini par l’article 14 de la loi.
"Il s’en déduit que la procédure simplifiée d’adaptation instituée par l’article 49 ne permet pas d’adapter l’état descriptif de division, qui est un document purement administratif, les conventions mentionnées à l’article 37 de la loi, ainsi que les conventions de servitudes actives ou passives avec les fonds voisins, les conventions entre les copropriétaires non soumises aux décisions de l’assemblée, les statuts des associations syndicales."
UniversImmo.com
|
|
|
|
|
|
|