Il faut le reconnaître, la simplicité apparente d'un acte de location - une mise à disposition d'un bien contre loyer - n'est que pure illusion, à laquelle nombre de propriétaires et de locataires se laissent prendre : derrière cette simplicité se cache un écheveau de règles du jeu effroyablement complexes relevant de législations et textes multiples dont les signataires d'un bail, à moins qu'ils ne soient professionnels du droit, soupçonnent rarement les pièges et chausse-trappes...
Etat du logement et des équipements, réparations, charges de l'immeuble, sinistres, paiement du loyer, congé, départ, chacun de ces aspects est matière à friction, même quand les acteurs sont de bonne foi ! A fortiori évidemment quand ils ne le sont pas...
La faute aux bailleurs ?
N'en déplaise à ceux qui se lamentent d'une législation de plus en plus contraignante pour les propriétaires, c'est à l'évidence très fréquemment le cas, avec pour cause première des litiges qui leur sont imputables leur ignorance feinte ou réelle de leurs obligations, ou la tentation de profiter de celle de leurs locataires, ou du moins de leur peur de perdre leur logement ! Abus les plus fréquents :
- concernant l'état du logement loué : location de locaux vétustes ou en mauvais état, résistance à effectuer les réparations manifestement non locatives, tentative de récupérer sur le dépôt de garantie du locataire sortant de quoi redonner un coup de neuf au logement avant de le relouer alors qu'il n'y a pas de dégradations à lui reprocher...
- concernant les charges locatives : pas de régularisations si les provisions son confortables, tentative de récupérer des charges non locatives, pas de justification des dépenses imputées, location pour appâter le client avec des provisions manifestement sous-évaluées, doublées à la première régularisation, etc.
La faute aux locataires ?
Ils ne sont pas toujours en reste : sans être à armes égales avec le propriétaire, ayant parfois le droit pour eux, ils ne résistent pas toujours à la tentation d'en abuser. Encore faut-il remarquer que la loi du 23 décembre 1986 leur a retiré l'arme la plus redoutable : le retour à la loi de 1948 !
Il leur reste un domaine de prédilection où la législation leur ouvre un boulevard : la résistance au réajustement de loyers sous-évalués, parfois d'autant plus injustifiée qu'ils auraient largement les moyens - des fois plus que leur propriétaire - de payer le juste prix...
Quand les professionnels s'en mêlent...
On serait tentés de penser que leur intervention, par leur connaissance supposée du droit, leur expérience et leurs conseils modérateurs des tendances excessives de leurs clients, éviterait plutôt l'émergence de litiges ! Ce n'est malheureusement pas toujours le cas, et ils arrivent même, par ignorance, excès de zèle ou volonté de se faire bien voir, à compliquer des dossiers qui ne présentent au départ aucune difficulté particulière...
Avec notamment un domaine où ils excellent créer des bourbiers où ils se noient eux-mêmes : les sinistres ! Rien de tel qu'un bon dégât des eaux en copropriété (voir notre article) pour voir gérants, syndics et courtiers d'assurance transformer les plus pacifiques des locataires et propriétaires en combattants farouches et irrédentistes dans une guerre de tranchées sans issue...
Comment connaître ses droits et ses devoirs ?
Si le législateur a incontestablement au fil des années, quoi qu'on en dise dans certains milieux, équilibré les relations entre propriétaires et locataires, ses efforts n'ont pas été relayés, loin s'en faut, sur le plan de l'information du grand public, qui reste, comme on peut le constater quotidiennement très fragmentaire !
Passons sur l'école : l'absence totale d'apprentissage du droit, matière qui pourtant dans l'échelle de l'utilité dans la vie adulte se placerait probablement tout juste après la lecture et l'écriture, ne semble émouvoir personne !
Dommage, car après, à part le recours aux avocats, il faut savoir chercher l'information : si l'on excepte quelques prospectus simplets dans les mairies et l'effort méritoire des ADIL (associations départementales pour l'information sur le logement - voir l'ANIL, l'agence nationale), encouragées par l'Etat et reconnues encore la semaine dernière par le ministre du logement, qui intervenait à leur congrès, comme le principal relais d'explication des innovations législatives et réglementaires, l'effort gouvernemental s'arrête là !
Et ces associations ne peuvent pas tout : comme par ailleurs les organisation à caractère syndical - associations de locataires ou chambres de propriétaires (voir les adresses utiles) - elles sont souvent débordées et les conseils prodigués approximatifs : il n'y a pas de secret, le conseil avisé coûte cher, nous en savons nous-mêmes quelque chose !
Quant aux sites Internet, les sites gouvernementaux font pâle figure (voir dans notre guide du Web) et sont heureusement relayés par quelques sites privés, dont le nôtre bien entendu...
Penser aux instances de conciliation !
Connaître son droit est une chose, mais obtenir satisfaction en est une autre ! Entre la voie amiable, qui s'arrête forcément à la bonne volonté de l'adversaire, et la justice qui fait peur, et souvent à juste titre, et même si sa "saisine" a été considérablement simplifiée (voir notre article), il est un espace encore largement méconnu : celui des instances de conciliation ! Elles peuvent être saisies sans frais, elles n'engagent pas les parties, sauf accord transactionnel conclu sous leur égide, et elles ont surtout l'immense avantage de permettre de s'assurer de son bon droit avant de s'engager sur une voie plus judiciaire, et donc potentiellement plus coûteuse... Elle sont en fait de trois types :
- les commissions départementales de conciliation : créées en 1986 pour traiter des litiges nés de la nouvelle faculté donnée aux bailleurs de réajuster les loyers "manifestement sous-évalués", leur compétence a été étendue par la loi "SRU" aux litiges relatifs "à l'état des lieux, au dépôt de garantie, aux charges locatives et aux réparations" (voir notre article) ;
- les conciliateurs de justice : présents auprès des tribunaux de grande instance, nommés par les présidents de cours d'appel, ce sont des bénévoles qui aident à éviter des procès ;
- les consultants des maisons de la justice et du droit (voir notre article), au rôle identique, mais encore plus proches (quand une telle "maison" existe à proximité)...
Deux inconvénients majeurs cependant dès lors que l'on s'adresse à la justice : il ne faut pas être pressé - il faut souvent plusieurs mois avant que les parties soient convoquées - et pouvoir dégager du temps pour attendre une demi-journée voire plus que son affaire soit appelée ! Dépassés par la croissance exponentielle des litiges, tribunaux comme instances de conciliation sont engorgés à la limite du supportable, et par ailleurs font passer les affaires où les parties sont représentées par des avocats avant les autres...
Les ravages de l'amateurisme...
Mal connaître le droit est probablement pire que de ne pas le connaître du tout, et les erreurs, fondées sur des idées reçues ou des raisonnements hâtifs, sont souvent autant de cadeaux inespérés faits à l'adversaire ! L'observation, qui vaut pour les particuliers, saturés de conseils en tous genres par des médias qui ne vérifient pas toujours leurs sources, vaut aussi pour les professionnels, dont la responsabilité civile serait plus souvent mise à mal si elle n'était pas si difficile à mettre en jeu...
Peut-être aussi la défiance que suscitent ces derniers n'est-elle pas étrangère au développement du contentieux, qui n'a cependant pas besoin d'eux pour prospérer...
UniversImmo.com
|