Des chiffres contradictoires
Coup sur coup l'UNPI (Union nationale de la propriété immobilière) et la FNAIM (Fédération nationale des agents immobiliers) ont publié les chiffres de leur observatoire respectif ("SNOUPI" pour l'UNPI et Observatoire national du marché locatif pour la FNAIM), l'un et l'autre réalisés avec le concours du professeur Michel Mouillart, professeur à Paris X Nanterre, et spécialiste incontournable des données du marché immobilier français. Bien que globalement concordants, constatant un ralentissement de la hausse constatée en 2003 par rapport à celle constatée en 2002, ils ne dégagent pas la même tendance pour 2004 :
- pour la FNAIM (1), la tendance au ralentissement se confirme au 1er semestre 2004 : +4,5% en hausse annuelle en 2004 contre +5,6% en 2003 pour les appartements et +3,6% contre +5,5% pour les maisons ;
- pour l'UNPI (2), la hausse repart en 2004 : +5,1 globalement pour l'ensemble du marché en 2004 contre +4,2% en 2003, et +7,7% contre +6,5% pour les seules relocations !
Par contre les chiffres sont concordants pour constater un net freinage de la hausse à Paris, qui atteint selon la FNAIM le chiffre record de 18,9 euros par m2, avec une hausse de "seulement" 2,8% en 2003, mais aussi une reprise de la hausse au 1er semestre 2004 : +4,9% (en rythme annuel) ; pour SNOUPI, les chiffres de hausse correspondants sont +3,5% et +7,8%...
La différence des chiffres s'explique par le fait que l'UNPI les tire du parc locatif géré directement par les propriétaires, alors que la FNAIM les extraits de celui géré par les professionnels, de taille à peu près équivalente, mais pas forcément de même composition
Une demande restée forte
Elle se manifeste par des hausses élevées là où il reste des marges de solvabilité pour les locataires : en fait la demande se déplace des zones où les loyers dépassent la capacité financière des candidats vers les zones périphériques moins chères - c'est le cas de la région parisienne où l'on observe avec les loyers le même phénomène de "l'escargot" que pour les prix de vente - ou provoque une forte montée des loyers dans les villes où ils avaient du retard par rapport à la moyenne, tendant même malgré quelques disparités à une uniformisation les loyers moyens des régions autres que l'Ile de France dans une fourchette allant de 8,8 à 11 euros par m2 pour les appartements et 7,6 à 10,8 pour les maisons. Les hausses les plus fortes se situent en région Sud-Est et Rhône-Alpes, et les plus modérées dans l'Ouest, le Centre et le secteur Nord et Est. Le Sud-Ouest, modéré en 2003 semble repartir à la hausse en 2004...
La région parisienne caracole bien évidemment en tête avec une moyenne hors Paris de 14,9 euros par m2 pour les appartements et 13,2 euros pour les maisons, mais la solvabilité des ménages est aussi supérieure en raison de la différence de revenus avec les autres régions. La région parisienne est aussi celle où la surface moyenne des logements est la plus faible : 47,5 à 47,9 m2 pour les appartements contre 54,8 par exemple en Rhône-Alpes !
La plus forte demande s'exerce visiblement sur les 3 pièces et plus, et les maisons, qui connaissent les plus fortes hausses alors que les petits appartements (studios et deux pièces voient leur augmentation décélérer nettement.
Les moyennes annoncées ne sont bien entendu qu'indicatives : les loyers peuvent varier du simple au double suivant la localisation et la qualité de l'environnement, et du simple au triple si l'on ajoute les qualités de l'immeuble et du logement.
Une détente du marché en 2005 ?
C'est en principe l'horizon d'arrivée sur le marché locatif des premiers gros contingents de logements neufs, achetés sur plans en vue de bénéficier du régime d'amortissement fiscal "Robien" ; d'après les chiffres de la FNPC (Fédération nationale des promoteurs constructeurs), alors que la construction connaît des chiffres record, depuis plus d'un an un logement neuf vendu sur deux est destiné à la location !
C'est donc près de 50.000 logements locatifs nouveaux qui vont chaque année venir, au rythme actuel des ventes, "booster" une fois de plus l'augmentation du parc locatif parc locatif qui autrement, entre les quelques 150.000 retraits naturels (ventes, reprises pour habiter, etc.) et à peu près autant d'apports de la part d'investisseurs dans l'ancien ne s'enrichirait qu'à doses homéopathiques ! C'est en fait grosso modo à la construction neuve que l'on doit par conséquent les quelques 50.000 logements locatifs supplémentaires qui ont été dénombrés dans le parc locatif privé de 1992 à 2002 (3), et ce regain d'attraction des investisseurs est donc une bonne nouvelle, le dernier grand engouement datant des années 1996-1998 avec le régime "Perissol"...
A condition que les bailleurs actuels ne soient pas trop tentés, vu la hausse des prix et les perspectives de possible retournement du marché, de prendre massivement leur bénéfice en mettant en vente leurs logements à l'occasion du premier départ de locataire voire même en donnant congé pour la première échéance de reconduction du bail ; les investisseurs en Périssol qui arrivent à la fin des neuf ans d'engagement de location peuvent ne pas être les derniers à être travaillés par cette tentation...
Il est vrai que tous ces logements ne seraient pas perdus pour la location ! L'investissement immobilier reste en effet attractif par rapport aux placements financiers qui n'ont pas encore retrouvé les faveurs du public, et les incitations fiscales à l'investissement locatif dans l'ancien ont été singulièrement améliorées en 2003 sous l'effet des mesures obtenues par de Gilles de Robien, non pas tellement avec le régime "Robien" pour l'ancien, trop compliqué à mettre en oeuvre, mais grâce à l'amélioration du régime "Besson" pour l'ancien : passage de 25 à 40% de la déduction forfaitaire sur les revenus fonciers et augmentation des plafonds de loyers permettant à un grand nombre de biens de venir éligibles sans trop grands sacrifice de rendement !
René Pallincourt, président de la FNAIM, a laissé entendre lors de la conférence de presse que les professionnels seraient sensibilisés au regain d'intérêt de ce régime d'incitation, de façon à mieux le vendre à leurs clients investisseurs...
Mais la détente du marché pourrait aussi venir paradoxalement - ce serait l'effet d'un mécanisme d'autorégulation du marché - de la raréfaction de la demande solvable : les bailleurs privés sont de plus en plus exigeants en termes de garanties, notamment du fait du recours croissant aux formules d'assurance contre les impayés, celles-ci étant assorties de conditions draconiennes dans ce domaine ! Résultat : un nombre croissant de ménages ne réunissent plus les conditions de ressources ou sont dans une situation trop précaire pour postuler aux locations offertes : Henry Buzy-Cazeaux, responsable de la communication de Foncia, le n°1 de la gestion de logements locatifs privés en France, cité par les Echos, indiquait que son groupe ne recevait plus qu'un ou deux dossiers solides pour chaque location contre cinq ou six il y a deux ans ! D'autres témoignages rapportés dans le même article vont dans le même sens (4)...
A moins que le gouvernement ne se saisisse sérieusement et rapidement du problème et généralise un système efficace de cautionnement des locataires aux garanties insuffisantes, au delà du "Loca-pass" qui remplit il est vrai déjà cet office pour de nombreux candidats à la location : la "Garantie des risques locatifs" annoncée par l'équipe Borloo-Daubresse, assurée par un fonds alimenté par la CRL (Contribution sur les revenus locatifs) et le 1% logement (notre article) semble ne pas rencontrer autant de résistances que la "CLU" (Couverture logement universelle) dont elle est inspirée, et qui mettait à contribution les seuls propriétaires.
A défaut on risque d'assister à la réapparition à grande échelle de logements ne trouvant plus preneurs, soit en raison de leur coût, soit en raison de leur qualité médiocre, alors que la pénurie s'accroît dans le logement intermédiaire...
(1) voir le dossier de presse
(2) voir le dossier de presse et la synthèse
(3) voir le Rapport sur l'évolution des loyers - Locaux à usage d'habitation dans le parc locatif privé - juin 2004
(4) Les Echos, 3 septembre 2004 - voir notre revue de presse
UniversImmo.com
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