Une France de propriétaires
Sans surprise, l'UNPI analyse la crise du logement en s’inscrivant dans la volonté politique exprimée par le nouveau président de la République d'aller vers une "France de propriétaires", mais aussi dans celle, non démentie, de mettre en œuvre le droit au logement opposable voté à la fin de la dernière législature.
L'encouragement à l'augmentation du nombre de propriétaires est un des moyens de remédier au déséquilibre entre l'offre et la demande, et le Livre blanc rappelle que le nombre de propriétaires en France est de 57% alors que la moyenne européenne est de 75%. Il faudrait donc 4 millions de propriétaires supplémentaires ! En fait on sait que ce chiffre, émanant de l'INSEE, n'est pas tout-à-fait exact, puisqu'il ne compte que les propriétaires occupants, la proportion de ménages français propriétaires montant à 69% avec les propriétaires bailleurs, soit près de l'objectif de 70% fixé par le premier ministre à son gouvernement au début de l'été...
Le spectre des logements vacants...
Mais il faut aussi augmenter l'offre locative. Jean Perrin rappelle que les propriétaires privés y participent très largement, proposant chaque année sur le marché quelque 2 millions de logements dans le parc privé contre environ 500.000 logements dans le parc public.
Une fois de plus il affirme que cette offre peut augmenter, notamment selon lui par la mise sur le marché de 300.000 logements vacants "en 24 heures" si le gouvernement osait des "mesures fortes de rééquilibrage locatif", en clair un allègement des contraintes pesant sur les propriétaires en raison de la législation qui les empêche de récupérer facilement leur logement, et plus de pouvoirs en cas d'impayés, etc. Affirmation évidemment impossible à vérifier, s'appuyant sur le constat de l'existence que quelque 2 millions de logements vacants sur les 27 millions que compte le parc résidentiel français, mais profitant de la difficulté de faire la part des différentes causes de vacance : logements en attente de rénovation ou réhabilitation (voire de démolition...), logements en instance de vente, logements "inlouables" en raison de leur état ou de leur localisation, contraintes ou objectifs familiaux, etc.
Remettre en cause la notion de logement social ?
Allant plus loin, l'UNPI préconise ni plus ni moins que d'aller vers l' "extinction du parc HLM", en favorisant la vente massive des logements publics à leurs occupants, mais aussi en redéfinissant la notion de logement social, non à partir d'un statut administratif mais en fonction du double critère du niveau du loyer et du niveau des ressources du locataire : ainsi une partie du parc HLM occupé par des locataires aisés devrait sortir de cette qualification alors qu'une bonne partie du parc privé pourrait être de fait qualifié de social...
Il convient aussi selon l'UNPI de modifier les conditions d’accès au parc public de façon à ce que pas plus d’un français sur deux ne puisse prétendre à un logement social public au lieu de 3 sur 4 actuellement !
Mobiliser le parc locatif privé
Mais il faut aussi mobiliser les propriétaires privés en faveur des locataires les plus modestes, notamment en les faisant bénéficier des mêmes avantages fiscaux que le parc HLM ! En d'autres termes, créer un statut du bailleur privé bénéficiant des mêmes aides que les bailleurs publics. Mais dans le même temps l'UNPI s'oppose à deux aspects des promesses de campagne du nouveau président de la République :
- la modulation de l’avantage fiscal consenti à l’investisseur
en fonction du caractère social de la location : trop compliquée, et risquant d'inciter trop de bailleurs à investir dans des secteurs défavorisés où les prix sont plus faibles, et ainsi accentuer la création de ghettos,
- la suppression du dépôt de garantie en contrepartie d'une garantie de loyers universelle : elle risquerait de conduire à une déresponsabilisation des locataires et d'"affaiblir les garanties dont dispose le bailleur"...
Notons que l'UNPI fait machine arrière par rapport à ses précédentes propositions, parmi lesquelles figurait justement une garantie généralisée contre les impayés, financée de manière tripartite par les propriétaires, les locataires et l'Etat ou le 1% logement...
Promouvoir la cession temporaire d'usufruit
Plus que jamais à la manoeuvre à la veille du congrès HLM, l'UNPI préconise un autre moyen pour augmenter l'offre de logement accessible : le développement de la technique de la cession temporaire d'usufruit, qui a fait son apparition de manière expérimentale - et peu connue - depuis quelques années : par cette technique, un propriétaire privé met un logement temporairement à disposition d’un organisme HLM (ce mécanisme serait particulièrement adapté pour que des propriétaires privés mettent à disposition des HLM tout ou partie de leur patrimoine qui est le plus souvent situé en centre-ville) ; si le bien est détenu depuis plus de 15 ans, le vendeur est exonéré de plus-value et peut céder son usufruit au moyen d'un crédit-vendeur (le vendeur fait crédit à l'acquéreur) dont les annuités seraient fixées pendant 15 ans à 50 ou 60 % de la valeur du loyer annuel initial, et indexées sur l'IRL (indice de référence des loyers), l’organisme HLM acquéreur de cet usufruit prenant par ailleurs un engagement de restitution du bien en bon état à la fin de l'usufruit.
Ainsi, le propriétaire devenu temporairement nu-propriétaire est débarrassé des soucis de gestion pendant 15 ans, n'est plus imposé à l’impôt sur le revenu (la somme perçue correspond à un prix de vente), n'est plus soumis s'il y a lieu à l’ISF (du point de vue de l’ISF, le bien est imposable dans le patrimoine de l’usufruitier, non dans celui du nu-propriétaire), n'est plus soumis à la taxe foncière, et dispose d’une somme équivalente à un revenu de 60 % du revenu précédent, mais sans impôt... Et bien entendu il récupère son bien au bout de 15 ans, période au cours de laquelle un organisme de logement social a pu disposer d'un logement à bon compte !
Une piste que ne dédaigne pas Pierre Quercy, délégué général de l'USH (Union sociale pour l'habitat - ex Union des HLM), à l'approche du congrès HLM ; réagissant à ces propositions dans Le Figaro (2), il rappelle qu'une formule juridique similaire - le bail à réhabilitation - existe déjà. Mais elle n'a pas réussi à séduire les propriétaires...
(1) UNPI - "Crise du logement : la résoudre en 15 ans" - Livre Blanc 2007
(2) Le Figaro, 13 septembre 2007
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