Le groupe de travail mis en place par Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la Justice et présidé par Philippe Pelletier, composé de magistrats, d'avocats et de professionnels de l'immobilier, présente son rapport aujourd'hui à son commanditaire (1). Comme son titre l'indique, il s'agit d'un catalogue de propositions pour une modernisation du régime juridique des baux commerciaux et professionnels.
Après une analyse exhaustive des critiques que l'on peut faire à la législation actuelle et une rapide référence aux législations étrangères, le rapport formule 28 suggestions de modifications et 12 recommandations :
- propositions générales :
1. rappeler l’obligation d’immatriculation du commerçant ou de l’artisan, au titre de tous ses établissements.
2. affirmer, en cas de soumission conventionnelle au statut des baux
commerciaux, la validité des clauses écartant des dispositions d’ordre public de ce statut.
3. autoriser les parties à un bail professionnel à déroger au régime fixé par l’article 57A de la loi du 23 décembre 1986 en se soumettant conventionnellement à l’ensemble des dispositions statutaires relatives aux baux commerciaux.
4. (recommandation) inciter les organisations représentatives des propriétaires, commerçants, artisans et professionnels libéraux à mieux faire connaître le régime juridique des baux commerciaux et professionnels, et à diffuser des clauses-type favorisant la négociation des contrats.
- sur la durée des baux :
5. permettre la succession de plusieurs baux dérogatoires dans la limite de la durée totale de deux ans.
6. clarifier la situation juridique des parties à l’issue de la période dérogatoire.
7. définir la convention d’occupation précaire.
8. permettre une libre durée des baux à usage exclusif de bureaux.
9. réputer non écrite la convention permettant à une seule des parties de
prolonger le bail.
10. permettre aux parties de convenir par avance de la durée du bail renouvelé, qui ne peut être inférieure à neuf ans.
11. encadrer la durée du préavis des congés entre 6 et 18 mois,
12. supprimer la référence aux usages locaux.
13. laisser au locataire, en cas d’éviction, un délai de 3 mois après versement de l’indemnité pour libérer les lieux.
14. (recommandation) assouplir, par un régime approprié de la taxe de publicité foncière, la conclusion de baux d’une durée supérieure à douze ans.
- sur le loyer et l'indemnité d’éviction :
15. supprimer le caractère d’ordre public de la révision du loyer.
16. (recommandation) poursuivre les travaux en cours en vue de créer un indice INSEE mesurant le coût de la location, plus adéquat que celui mesurant le coût de la construction.
17. retenir comme motif d’évolution du loyer de renouvellement, en sus des éléments visés aux 1° à 4° de l’article L 145-33 du Code de commerce, le caractère manifestement sur-évalué ou sous-évalué du loyer.
18. (recommandation) créer des observatoires locaux des loyers commerciaux.
19. faire annexer par l’expert à son rapport les documents justificatifs de ses références locatives.
20. conférer un caractère exécutoire par provision au jugement fixant le prix du bail renouvelé.
21. préciser les conditions dans lesquelles la réinstallation du locataire fait échec au droit de repentir du bailleur.
- sur les clauses et conditions des baux :
22. interdire la clause obligeant le preneur à tenir les lieux loués sous une enseigne déterminée, sauf le droit des parties de convenir des modalités du changement d’enseigne.
23. (recommandation) améliorer l’information du nouveau locataire sur la nature et le montant des charges accessoires au loyer.
24. (recommandation) rappeler la nécessité d’une régularisation annuelle des charges et proposer qu’elle soit présentée de façon harmonisée.
25. (recommandation) moderniser la rédaction des articles 1754 et 1756 du Code civil, relatifs aux réparations et inciter à ce que les nouveaux baux s’y référent, en lieu et place des articles 605 et 606 du même code.
26. (recommandation) clarifier la définition de la chose louée de l’article 1723 du Code civil.
27. (recommandation) inciter les parties à dresser un état des lieux, à l’occasion notamment de l’entrée en jouissance ; inciter cédant et cessionnaire du bail à faire de même.
28. (recommandation) inciter les parties à stipuler un droit de préférence au profit du preneur en cas de vente du local commercial et au profit du bailleur en cas de cession du fonds.
- sur la reprise des logements vacants :
29. permettre aux échéances triennales et lors du renouvellement la reprise par le bailleur des logements vacants accessoires aux locaux commerciaux, en vue de leur réaffectation à l’habitation si le preneur n’y a pas lui-même procédé dans les six mois de la notification.
30. (recommandation) favoriser le concours des subventions publiques (ANAH, FISAC, etc.) pour aider à la transformation des logements vacants accessoires en vue de leur réaffectation à l’habitation.
- sur le règlement des litiges :
31. étendre le champ de compétence des commissions départementales de conciliation à l’ensemble des litiges relatifs au loyer, au dépôt de garantie, aux charges et aux travaux, et réaffirmer le caractère facultatif de leur saisine.
32. limiter à un délai de 6 mois la faculté de saisir la commission départementale de conciliation en matière de loyer.
33. supprimer le caractère préalable du mémoire et, par voie de conséquence, le délai d’un mois séparant la notification de l’assignation en fixation du loyer.
34. donner compétence au juge des baux commerciaux pour statuer sur toute question de droit préalable à la fixation du loyer.
35. donner compétence exclusive au tribunal de grande instance pour tout litige relatif aux baux commerciaux.
36. simplifier la procédure après expertise.
37. harmoniser divers délais de procédure et de prescription et leur point de départ et supprimer la sanction de la forclusion en matière de refus de renouvellement avec refus d’indemnité d’éviction.
38. conférer l’autorité de chose jugée au principal à l’ordonnance de référé qui constate l’acquisition de la clause de résiliation de plein droit.
39. lever une ambiguïté rédactionnelle de l’article 2061 nouveau du Code civil relatif aux clauses compromissoires.
40. (recommandation) favoriser le développement d’instances de médiation et d’arbitrage des litiges.
Comme on le voit, le principe du pas de porte n'est finalement pas remis en cause alrs qu'au sein de la commission "l’incertitude sur la pertinence de cette pratique a en effet laissé initialement penser que son abandon pouvait se justifier", ni celui du droit au renouvellement et du plafonnement du loyer du bail renouvelé...
Par ailleurs, la commission n'a pas recommandé la suppression de certains formalismes comme celui de la signification des congés par huissier, "s’agissant d’actes importants justifiant une solennité protectrice", et a critiqué la "financiarisation" des rapports bailleur-locataire qu'induisent les clauses mettant à la charge du locataire l'intégralité des charges du propriétaire y compris celles relevant de son obligation de garantie du "clos et du couvert" !
Enfin, la modestie des propositions touchant aux baux professionnels est justifiée par les nombreux échecs des tentatives de créer une législation spécifique : la commission s'est contentée de "créer une passerelle entre le statut actuel du bail professionnel et le régime des baux commerciaux"...
(1) Rapport au garde des sceaux, intitulé "Propositions pour une modernisation du régime juridique des baux commerciaux et professionnels", consultable sur le site du ministère de la justice.
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