En apparence tout va bien pour l'industrie du bâtiment : l’année 2018 se clôture sur un bon niveau d’activité, en progression de 2,3% en volume, après 4,9% en 2017 et 2,0% en 2016. C'est ce qui ressort du bilan d'activité présenté lors de la conférence de presse donnée par la Fédération française du bâtiment (FFB) le 19 décembre. De plus, les carnets de commandes s’affichent à haut niveau en fin d’année, aux environs de 6 mois de production, tous métiers et toutes tailles d’entreprises confondus. L’emploi a suivi, avec une hausse de 2,6% en 2018, soit 30.000 postes créés, dont 24.000 salariés, très majoritairement recrutés en CDI. "Le score eut pu s’avérer bien meilleur, si les entreprises n’avaient pas buté sur la contrainte de fortes difficultés de recrutement, quasiment aussi prégnantes qu’en 2006-2007", indique le communiqué de presse, ajoutant que ces dernières ont entraîné un "déport d’une partie de l’activité sur le début 2019".
Mais tous les segments du marché du bâtiment ne sont pas à la fête. Le secteur bénéficie surtout de la vitalité du segment des bureaux (+11,9%) et des bâtiments administratifs (+9,1%). Ce dernier profite d’une vague d’investissement public à l’approche des élections municipales de 2020. Et même si les dernières enquêtes de l’Insee présagent un report des investissements l’année prochaine, marché non résidentiel devrait enregistrer une hausse d’activité de 3% en 2019, portée par les bureaux (+14%), suivis par les bâtiments administratifs (+5,9%). Seul bémol dans ce secteur : le ralentissement de la création de surfaces commerciales, le "retail" étant secoué par les bouleversements entraînés par l'essor de l'e-commerce...
Par contre, 2018 a été marquée par l’amorce d’un retournement sur le marché du logement, appelé à s'amplifier. "Comme nous l’avions craint et annoncé, la pénalisation tous azimuts de la pierre, faussement assimilée à une « rente », a cassé l’élan" déplore la FFB. La liste des atteintes est longue : baisse des APL locatives, mise en place de la "Réduction de loyer de solidarité" (RLS) dans le logement social qui a amputé les marges des bailleurs sociaux de 800 millions d'euros en 2018 et les amputera du double à partir de 2019, bailleurs pénalisés de surcroît par la hausse à 10% de la TVA applicable dans le locatif social, suppression de l’APL accession, suppression de l’éligibilité au "Pinel" en zones B2 et C, mise en place de l’IFI à la place de l'ISF, qui agit comme un repoussoir pour les investisseurs aisés, ou encore la non éligibilité des revenus fonciers au "prélèvement forfaitaire unique" (PFU), la "flat tax" de 30%. Sans oublier la sortie progressive des fenêtres et chaudières performantes au fioul du champ du CITE (crédit d'impôt transition énergétique)... Et encore, le PTZ a été sauvé, bien que raboté, en zones B2 et C !
Les mises en chantier de logements reculent donc de près de 6% en 2018, passant de 428.000 à 404.000 unités. Les permis et les ventes de logements ressortant en net retrait sur l’année, la baisse des mises en chantier accélérera en 2019, pour atteindre -7%. Le décompte des logements commencés s’établira alors un peu en deçà de 380.000 unités, prévoit la FFB. Compte tenu des délais de production, l’activité des entreprises de bâtiment en logement neuf s’est logiquement maintenue en hausse de 2,8% en 2018, mais connaîtra un repli progressif en 2019 pour ressortir à -4,5% sur l’ensemble de l’année. "Comme en 2012-2013, la reprise fléchira donc sous les coups de boutoir des économies budgétaires de court terme" se plaint la fédération.
Quant au segment de l’amélioration-entretien, il a souffert des hésitations du marché de la rénovation énergétique. Sur 2018, l’activité a connu une petite hausse de 0,8%. La réintégration du remplacement des fenêtres à simple vitrage dans le champ du CITE devrait permettre de conserver un peu d’allant au marché, qui devrait progresser de 0,5% en 2019.
Au total, l’année 2019 devrait s’affichera en léger retrait de 0,5%. Toutefois, ce mouvement en deux temps se traduira par un bilan encore légèrement positif de l’emploi, avec de l’ordre de 5.000 postes créés en moyenne annuelle. Le retournement de l'emploi est probablement pour après...
Un espoir cependant : que le gouvernement procède à la relance effective du PNRU (programme national de renouvellement urbain) en sécurisant le financement de l'ANRU (l'agence nationale du même nom), et en débloquant les fonds nécessaires au programme "Action Cœur de ville", accompagné depuis du nouveau dispoitif de défiscalisation "Denormandie ancien" pour l'immobilier vacant dégradé des centres-villes. Même à supposer que seuls 10% du parc vacant éligible en bénéficient, c’est un total d’environ 40.000 logements locatifs privés qui pourraient revenir sur le marché locatif, estime la FFB.
Dans ce contexte, les mesures structurelles des lois "ELAN" et "ESSOC" votées en 2018, notamment en matière de simplification et d’amélioration des règles d’urbanisme, devraient mettre de l'huile dans les rouages, espèrent les professionnels du bâtiment.
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