L'argument apparaît régulièrement, et à chaque publication des "comptes du logement" par le ministère en charge des statistiques de la construction et du logement, à savoir celui de la transition écologique et solidaire. Les comptes de 2017 montrent que ce secteur d’activité a représenté une dépense publique de 41,9 milliards d’euros mais qu’il a rapporté 74,4 milliards de recettes fiscales. Il n'en faut pas plus pour voir s'opposer ceux qui ne retiennent que la dépense, et ceux qui la justifient en mettant les recettes en face !
Qu'en est-il ? Côté dépenses directes et "dépenses fiscales" (en fait les réductions et crédits d'impôts), les aides publiques au logement sous toutes leurs formes – subventions d’investissement, allocations, avantages fiscaux et de taux – ont coûté 41,9 milliards d’euros, soit 1,9% du produit intérieur brut (PIB), en léger retrait (–0,3%) par rapport à 2016. 39,4% vont au secteur locatif social, 30% au le locatif privé, et 19,6% aux propriétaires occupants. L’Etat est le principal contributeur des aides au logement : 24,1 milliards d’euros, soit 57,8% du montant total. Il prend en charge 92,1% des avantages fiscaux, 60,2% des avantages de taux et 35,8% des prestations sociales. Les régimes sociaux qui versent 28,7% des prestations sociales sont le deuxième contributeur. Action logement et les collectivités locales prennent également en charge pour partie les prestations sociales et les subventions d’investissement ; ils sont respectivement les troisièmes et quatrièmes contributeurs.
Les aides aux consommateurs de service de logement visent à couvrir une partie des dépenses courantes des occupants. Elles représentent 23,3 milliards d’euros en 2017. Ces aides comprennent principalement des prestations sociales (21,4 milliards), notamment les trois aides personnelles au logement : l’allocation de logement familiale (ALF), l’aide personnalisée au logement (APL), et l’allocation de logement sociale (ALS), qui représentent un montant total de 18,0 milliards d’euros en 2017. Elles ralentissent légèrement en raison de la baisse du barème des APL votée en loi de finances pour 2016 qui compense leur progression tendancielle. La part couvrant les dépenses de logement des résidents de certains locaux d’hébergement collectif (personnes âgées, personnes handicapées) bénéficiaires de l’aide sociale à l’hébergement (ASH), estimée à 2,4 milliards d’euros en 2017, est stable.
D’autres prestations comme l’allocation de logement temporaire (ALT), les aides des fonds de solidarité
logement (FSL), les subventions d’Action logement aux personnes physiques ainsi que les tarifs sociaux
de l'énergie complètent les prestations sociales, pour 981 millions d’euros. Les consommateurs de service de logement bénéficient également d’avantages fiscaux au titre de leurs dépenses courantes liées au logement, notamment des taux réduits de TVA appliqués aux travaux d’amélioration pour un montant de 1,38 milliard d’euros en 2017. Ce montant est stable.
Les avantages fiscaux, autre gros poste de 15,4 milliards, profitent d’abord au secteur social (39%), puis aux propriétaires occupants sous la forme de prêts à taux zéro (PTZ), de crédits d’impôt énergétique et de TVA à taux réduit pour des travaux de rénovation (33%), avant le secteur locatif libre (25%) et ses avantages fiscaux Pinel (environ 2,2 milliards d’euros) et autres. Le PTZ est en hausse de 26,5 % par rapport à 2016, à 2,8 milliards d’euros, en raison de l’élargissement de son périmètre et de la hausse des plafonds de ressources des emprunteurs éligibles.
Côté recettes, 2017 fut une grande année, avec 74,4 milliards d’euros de prélèvements, en hausse de 5,7% sur un an : hausse de 15% des droits de mutation, à 13,1 milliards, liés aux recors battues en matière de transactions dans le neuf et l'ancien (968.000 ventes), mais aussi à la hausse des prix des logements (+3%) et du relèvement de 3,8% à 4,5%, à partir du 1er mars 2014, de la taxe elle-même, appliquée par tous les départements exceptés l’Indre, l’Isère, le Morbihan et Mayotte ; hausse de 10,2% de la TVA qui rapporte sur le secteur 14,13 milliards d’euros, principalement via les 20% prélevés sur la vente de chaque logement neuf privé, et 15,8 milliards d’euros remontent à l’Etat par le biais de la TVA payée sur les services au logement – eau, électricité, petits travaux… Enfin, il y a l'impôt sur le revenu immobilier des bailleurs (7 milliards d’euros) et la taxe foncière (22,1 milliards d’euros).
Peut-on cependant comparer les deux et justifier l'allocation de ressources en faveur du logement par les recettes qu'il génère ? Il faudrait pour cela que les dépenses fiscales conditionnent les recettes, ou contribuent à leur augmentation. Ce peut être vrai pour certaines, mais il faudrait savoir lesquelles, et si elles sont réellement exemptes d'effets d'aubaine. Le problème est qu'une très grande partie des aides au logement sous toutes leurs formes ont transformé le fonctionnement du marché de la construction et de l'immobilier, et que tout gouvernement qui veut s'y attaquer risque de mettre en difficulté les populations qui en dépendent ou casser le marché avec, comme on l'a vu en 2015 et qu'on le voit à nouveau aujourd'hui, une réaction très rapide de l'industrie du bâtiment qui crie à la suppression d'emplois et provoque inévitablement un retour arrière...
Le gouvernement actuel a raison de considérer que le montant atteint par ces aides devient difficilement soutenable, mais il ne pourra y remédier qu'en s'attaquant aux causes structurelles qui font qu'elles sont devenues nécessaires : à savoir le fonctionnement des marchés immobiliers, à commencer par celui des terrains, et les mécanismes de la fixation des prix et des loyers !
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