Hier les greffiers, aujourd'hui les avocats : les grèves se succèdent et les reports d'audiences se multiplient ! Ces mouvements révèlent un malaise profond et une grande misère d'une institution pourtant vitale dans un pays moderne. La France a-t-elle une justice digne de son rang ?
Le premier trimestre 2001 risque d'être très chargé dans les tribunaux. En effet, la grève des greffiers dans un premier temps, et les journées d'action des avocats maintenant - et ce n'est probablement pas fini - ont entraîné des reports d'audiences à répétition, qui vont surcharger les agendas des mois à venir. La justice, déjà lente en temps normal, risque l'apoplexie.
Le mouvement des avocats à propos de l'aide juridictionnelle accordée aux titulaires de revenus faibles est symptomatique, et l'on s'étonne qu'il n'ait pas eu lieu plus tôt ! Allouer quelques centaines de francs pour défendre des dossiers là où un cabinet facturerait légitimement plusieurs milliers à un client normal, c'est pas seulement se moquer des avocats : c'est aussi se moquer du justiciable bénéficiaire de cette aumône et fouler aux pieds le principe même de cette aide, celui d'une justice accessible à tous et pas seulement aux plus aisés.
Car peut-on imaginer que des avocats dont une grande partie de l'activité est constituée de dossiers sous aide juridictionnelle puissent traiter ces dossiers avec la rigueur nécessaire ? Si en province l'attribution de ces dossiers échoit un peu à tous les cabinets, à Paris, ils sont traités par des volontaires, et évidemment les plus démunis de la profession.
Et l'on s'étonne un fois de plus du fossé persistant entre les beaux discours sur la modernisation de la justice et l'infinitésimalité de l'effort budgétaire consenti pour remédier à une misère matérielle dont tout le monde convient depuis des lustres ! Surtout quand on voit les paquets de milliards lâchés en quelques heures de négociations à des corporations dont on craint le moindre froncement de sourcil…
Car l'aide juridictionnelle n'est qu'un aspect : en arrière-plan, c'est toute la machine judiciaire qui est incapable de faire face dans des conditions acceptables de délais et de qualité à sa fonction pourtant vitale : celle d'empêcher que nos sociétés de plus en plus complexes ne deviennent une " jungle " où le respect des droits ou des obligations contractuelles ne seraient plus que pour les gogos…