Les APL dans le collimateur du gouvernement dès 2017
Afin de dégager des économies, le gouvernement a engagé, dès le deuxième semestre 2017, dans un premier temps une réduction uniforme des aides personnelles au logement (APL) de 5 euros par mois, puis la mise en place d’une « réduction de loyer de solidarité » (RLS) dans le seul parc locatif social. La mesure consiste à réduire les APL en en faisant payer le coût aux bailleurs sociaux...
Ces deux mesures ont permis pour 2018, une économie d’1 milliard d'euros sur ce poste des dépenses publiques, qui s’élevait à 18 milliards par an entre 2015 et 2017. Cette économie a été amplifiée en 2019, et la loi de finances pour 2020 a prévu de réduire la dépense globale en APL à 15,3 milliards en calculant les APL en temps réel à partir du 1er avril 2020 (prise en compte des ressources les plus récentes des bénéficiaires ). Le gouvernement ne compte pas s'arrêter là, avec le projet de regroupement à terme sous un « revenu unique d’activité » (RUA) les aides personnelles au logement, la prime d’activité et d’autres minima sociaux, censé rapporter une nouvelle économie évaluée à 1,7 milliards d'euros par an.
La Cour des comptes, qui reproche par ailleurs au gouvernement d'avoir pratiquement arrêté son effort de réduction de la dépense publique, aurait pu se contenter de se féliciter de cette réduction drastique. Dans son rapport intitulé "Les aides personnelles au logement : des évolutions insuffisantes, une réforme à mettre en œuvre", publié le 25 février, elle se révèle plus nuancée. Elle a examiné en 2019 les suites données aux six recommandations qu’elle avait formulées à l’issue de sa précédente enquête à ce sujet en 2015 (1). Si elle constate que l’effet des mesures mises en place a été positif sur les comptes, elle s’interroge sur l’équité de certaines d’entre elles. Notamment les mesures de gel ou de sous-indexation ainsi que la réduction de 5 euros par mois qui ont été appliquées uniformément, quelle que soit la situation sociale et financière des bénéficiaires, y compris les ménages les plus modestes.
Des mesures jugées inéquitables
En ce qui concerne la mesure mise en place le 1er octobre 2016 sur la prise en compte du patrimoine des allocataires supérieur à 30.000 euros, la Cour des comptes critique le choix de n’appliquer cette mesure qu’aux nouveaux bénéficiaires. Elle considère qu’il est contraire aux dispositions législatives et réglementaires, que cette pratique est irrégulière et qu'elle présente un risque juridique pour l’État et les organismes prestataires. Elle indique « qu’en matière de connaissance des patrimoines, l’outil Sipres de la Caisse nationale des Allocations familiales (CNAF), en cours de modernisation progressive, permettra de calculer automatiquement le préjudice causé par une fraude au-delà de deux ans ». Et que « la DGFiP (Direction générale des finances publiques) a donné accès à trois nouvelles bases de données au réseau des CAF. Il s’agit du portail Ficovie, qui permet de connaître les allocataires titulaires ou bénéficiaires d’assurance-vie, de la base nationale des données du patrimoine et de l’outil de référencement associé Patrim. Ces bases permettront aux CAF de mieux appréhender la situation patrimoniale des allocataires ».
Les APL favorisent-elles l'inflation des loyers ?
Sur les mesures prévues en 2020, notamment le rapprochement des aides personnelles au logement avec la prime d’activité et certains minima sociaux, la Cour des comptes bien que reconnaissant l’une de ses recommandations formulées en 2015, préconise des analyses plus poussées. Elle déplore le peu d’études d’impact des aides personnelles sur les loyers, notamment afin de savoir « si ces aides font ou non l’objet d’une captation de la rente par les propriétaires, qui se traduirait par une augmentation des loyers ». Les auteurs du rapport expriment humblement leurs doutes à ce sujet : « la dernière étude en date, produite par le Conseil général de l’environnement et du développement durable, semble conclure à une absence d’incidence des aides sur les prix, alors que les études précédentes, datant de 2005 et 2014, concluent, à l’inverse, à un effet inflationniste. Au regard de cette absence persistante de consensus sur ce sujet majeur et pour progresser dans la compréhension des liens entre aides et niveau des loyers, des travaux plus ciblés devraient être conduits, notamment sur les logements de petite surface dans les zones tendues, sur lesquels se concentrent la plupart des interrogations ».
Les censeurs de la Cour des comptes auraient pu relever que, mise à part la coupe uniforme de 5 euros par mois touchant tous les locataires, les réductions des allocations pratiquées par le gouvernement n'ont concerné que les locataires du logement social, celui où par définition elles ne peuvent avoir d'effet inflationniste, les loyers étant fixés selon des barèmes spécifiques ! Les bailleurs privés, libres de profiter du coup de pouce apporté par les APL au pouvoir d'achat de leurs locataires pour demander un loyer supérieur, n'ont pas été concernés par les économies...
Retour du serpent de mer des APL aux étudiants rattachés au foyer fiscal de leurs parents
Comme déjà il y a cinq ans, la Cour a constaté que l’aide au logement continue d’avoir un effet moins favorable, à montant global de ressources comparable, sur la situation des personnes en activité que sur celle de personnes recevant des revenus de transfert (allocations chômage et allocation aux adultes handicapés (AAH)…). Elle rappelle également que le versement aux étudiants d’une aide au logement sans conditions de ressources n’est pas sans s’apparenter, pour les bénéficiaires rattachés au foyer fiscal de leurs parents, à une défiscalisation accordée à des ménages assujettis à l’impôt sur le revenu et disposant de ressources permettant de subvenir à cette charge, et, dans certains cas, à une subvention captée par les bailleurs en zone tendue. À ce titre elle réitère sa proposition de 2015 d’une réforme du régime d’aide au logement des étudiants en obligeant les ménages à choisir « entre bénéfice de l’aide personnelle et rattachement de l’étudiant au foyer fiscal parental ». On se souviendra du tollé soulevé par cette mesure, proposée puis retirée rapidement au cours du débat parlementaire.
Sur le dispositif des aides au logement en lui-même, la Cour des comptes constate qu’il est toujours peut lisible et que le barème des aides n’a été ni simplifié ni refondu. Cette complexité continue d’engendrer des indus (1,029 milliards d'euros en 2018, récupérés néanmoins à 96,7 %) et des risques de fraude (estimés à environ 470 millions, soit 2,7% du montant versé) ainsi que des coûts de gestion élevés.
(1) Universimmo.com - 09/04/2015 : "Logement en Ile-de-France : la Cour des comptes critique le manque de cohérence de l’action publique et des collectivités"
UniversImmo.com
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