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ACTUS
Immobilier - Le groupe Urbania mis en cause par ses banques : essai de décodage
Le
4/5/2010
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Depuis plusieurs jours la presse fait état d'informations laissant pressentir une situation potentiellement grave chez le n°3 de l'administration de biens en France (160 millions de chiffre d'affaires, 2.000 salariés, près de 400.000 lots de copropriété gérés, notamment, plus des filiales de facility management, le réseau Laforêt, le groupe Adyal, etc.). Même celles destinées à rassurer sont plutôt de nature à inquiéter ! A commencer par les déclarations du dirigeant, Michel Moubayed, qui crie au complot mené selon lui par la Société Générale pour le jeter - à bas prix - dans les bras du n° 2 Nexity... Qu'en penser ?
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Un simple litige commercial entre un client et son banquier ?
C'est la thèse qu'essaient depuis la fin de semaine d'accréditer les dirigeants du groupe. Pourtant, l'AFP le 30 avril, le JDD (Journal du Dimanche) le 2 mai, La Tribune et Le figaro le 3 mai ont publié des indications de plus en plus précises dont certaines distillées par l'avocat de la Société Générale : cette dernière aurait saisi le Tribunal de commerce de Nanterre dès septembre 2009, puis déposé une plainte contre X pour abus de confiance, instruite par le Parquet de Paris.
D'autres banques auraient "suspendu leurs crédits" : Fortis, Banque Française, Monte Paschi Banque, et il y en aurait en tout pour 500 millions, dont 200 pour la SG (dit le JDD). Le CIRI (Comité interministériel de restructuration industrielle), pompier des entreprises en difficulté se serait saisi du dossier depuis une "dizaine de jours", "sans trouver de solution".
S'agit-il de financements destinés à acquérir des cabinets (le groupe en a absorbé plusieurs dizaines, voire centaines depuis une vingtaine d'années) ? Le directeur général du groupe aurait déclaré qu'il s'agissait de financements de "haut de bilan" aujourd'hui requalifiés en "emprunt à court terme et remboursable immédiatement". Mais pas plus que pour un particulier qui a souscrit un crédit immobilier, une banque n'exige jamais le remboursement immédiat et total de crédits d'investissement sans un manquement grave de son client la mettant dans une situation de risque aggravé.
La JDD puis La Tribune se sont fait dire qu'il y aurait eu détournement de fonds par les "comptes reflet" pour financer avec les fonds des clients des acquisitions de cabinets ou des rachats de parts de minoritaires, bref des opérations de croissance externe. de quoi s'agit-il ? Les syndics qui gèrent de nombreux immeubles en utilisant des comptes bancaires individualisés par copropriété, plus quelques comptes pour des fonds détenus dans le cadre de la gestion locative mobilisent en toute légalité (dès lors que les copropriétaires ont accepté de renoncer à des comptes bancaires séparés au nom de leur syndicat) l'ensemble de ces fonds pour des placements globaux qui leur apportent un complément de rémunération, certes en baisse ces derniers temps, mais toujours appréciable, et dont ils font - la concurrence aidant - profiter aussi les copropriétaires. Ces fonds placés sont prélevés sur un "compte reflet" qui devient ainsi débiteur, sachant que la fusion des comptes normaux et du compte reflet doit, quant à elle, rester toujours créditrice. Si la trésorerie détenue baisse pour une raison ou pour une autre, les placements sont débloqués et la situation est maintenue toujours positive.
Concernant Urbania, une interprétation semble être que les placements n'aient pas été comme il se doit des comptes à terme ou des Sicav de trésorerie, mais des investissements pour compte propre, immobilisés, et que le groupe ne soit plus en mesure de reconstituer la trésorerie ; du coup, empêchés par les banquiers de faire passer la fusion débitrice, les cabinets se voient bloqués dans les paiements aux fournisseurs et aux clients mandants de gérance, ce que la direction d'Urbania a elle-même reconnu...
Autre preuve de cette hypothèse : la Société Générale indique avoir réagi en voyant une baisse des comptes mandants à partir de juin dernier.
Si les fonds mandants ne sont plus représentés de manière liquide, le groupe se trouve vis à vis de ses clients en situation d'abus de confiance (d'où la plainte) et, en cas d'impossibilité de régularisation rapide, en situation de perdre sa garantie financière et donc d'exercer les métiers de l'administration de biens. La déclaration à l'AFP de Serge Ivars, président de l'UNIS, le syndicat professionnel d'appartenance d'Urbania, déclarant que le Groupement français de caution, la mutuelle d'assurances qui garantit les dépôts des clients de ce groupe, lui aurait assuré que "ceux-ci n'avaient rien à craindre" n'est pas en soi rassurante : quelle est la solidité de ce garant, peu connu chez les administrateurs de biens ? N'aurait-il pour clients que les sociétés du groupe, auquel cas la mutualisation du risque ne serait qu'apparente (les instances de tutelle à Bercy doivent normalement s'assurer de la solvabilité de ce type d'organismes) ?... Serait-ce à cause de ce niveau de dépendance que les faits dénoncés aujourd'hui ouvertement par les banques n'ont pas été relevés lors des contrôles que l'organisme de caution est censé effectuer autant que nécessaire, ce qui aurait dû stopper les dérives mentionnées, la menace du retrait de garantie étant en général suffisamment dissuasif ? Contrairement à ce qu'affirme La Tribune, le montant de la garantie que les syndics doivent souscrire pour gérer les fonds mandants n'est pas seulement déclaratif : le garant doit vérifier que le professionnel garanti ne dépasse à aucun moment en fonds détenus le montant de la garantie souscrite, et que les fonds en banque correspondent bien au cumul des soldes créditeurs des clients...
En tous cas, s'il veut réellement rassurer, cet organisme devrait d'urgence rendre public la liste de ses clients (la garantie financière accordée aux administrateurs de biens est publique - afin de s'assurer du niveau de mutualisation du risque lui permettant de faire face aux engagements souscrits à l'égard des clients des sociétés menacées...
La Société Générale affirme à La Tribune qu'elle ne fusionnera pas les comptes mandants et les comptes reflets d'Urbania, même débiteurs, pour préserver les intérêts des copropriétaires. "Mais les autres banques concernées ne seraient pas aussi affirmatives" indique le quotidien. Il faut savoir qu'en cas de liquidation judiciaire, l'ensemble des fonds mandants entrent en principe dans la liquidation...
L' "originalité" d'Urbania en question ?
En 2004, Michel Moubayed créait la marque "Urbania" et affirmait lancer un "modèle innovant pour l'avenir de la profession" ; mais loin de simplifier son groupe, il rendait encore moins transparentes les structures de participations... Les banques et la clientèle ont-ils pêché par excès de confiance ?
Une fois encore, comme en d'autres circonstances, on peut se demander si les verrous de sécurité mis en oeuvre, contraignants pour les petits, sont suffisants pour les "gros".
Aujourd'hui, la clientèle et les équipes peuvent être sauvées par la reprise d'un groupe plus important, qui épongerait les trous à la place de payer les actionnaires ; mais la valeur du groupe - entre 100 et 200 millions dit-on ? - est-elle à la hauteur de manque de trésorerie à combler (les chiffres de 500 millions ont été cités) ? Peut-être que ces chiffres ne représentent pas que des fonds mandants manquants et incluent des financements d'investissements qui pourraient être refinancés.
Cependant, les repreneurs susceptibles d'intervenir pourraient aussi tordre le nez devant une structure de plusieurs centaines de sociétés, sans comptes consolidés, avec des cabinets très souvent locataires-gérants de leurs fonds de commerce, donc non propriétaires de leur clientèle au profit de fonds d'investissement au financement mystérieux, toutes choses dont nous n'avons pas manqué de faire état dès 2004 (1). Décidément, Urbania est depuis longtemps un groupe à part...
(1) Urbania : modèle innovant ou désengagement ?
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