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ACTUS
La difficile résorption de l'habitat vétuste...
Le
19/9/2005
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Moyens juridiques et budgétaires insuffisants, longueur et complexité des procédures : la lutte contre l'insalubrité et l'habitat dégradé a beau figurer parmi les priorités de la politique du logement, avoir fait l'objet de pans entiers du Code de la construction et de l'habitation et du Code de la santé publique, et capter une part croissante des crédits de l'ANAH, du budget du logement et de la politique de la ville, elle peine à traiter un parc sans cesse renouvelé de nouveaux immeubles en voie de dégradation, notamment de copropriétés happées dans la spirale infernale du défaut d'entretien, de la dévalorisation, et de la paupérisation. Avec les conséquences crument mises en lumière par les dramatiques incendies du mois d'août : devenus taudis, ils finissent par abriter des populations à problèmes que l'on laisse, faute de relogement, des années durant dans des conditions indignes et au péril de leur vie, enfants compris...
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Un parc vétuste en constante alimentation...
1.000 immeubles insalubres recensés à Paris, dont 423 "particulièrement dangereux", et probablement plusieurs milliers à l'échelle de la France : c'est peu et beaucoup à la fois ! Car au fur et à mesure que des immeubles sont réhabilités, d'autres voient leur état se dégrader et doivent être ajoutés à la liste ! Sans compter ceux qui, bien que déjà en état d'insalubrité avancée, n'ont pas été encore identifiés parce qu'aucun des locataires ou propriétaires occupants ne s'est plaint aux services de l'hygiène ou à la préfecture...
Le parc d'immeubles vétustes s'alimente en gros à trois sources :
- les immeubles "loi de 1948" délaissés par leurs propriétaires - souvent des successions difficiles - et qui finissent vendus à des marchands de biens : ceux-ci les laissent se délabrer - parfois squatter - en attendant que les logements se libèrent les uns après les autres et qu'ils puissent enfin engager une réhabilitation et une vente au prix fort...
- les immeubles situés dans des ZAC et voués à la démolition : ils sont en général rachetés par la ville par préemption globale ou par appartements (quand ils sont en copropriété), mais peuvent rester en l'état et occupés de nombreuses années par leurs anciens locataires, des propriétaires résiduels voire même par des squatters en attendant le démarrage des programmes engagés sur les zones d'aménagement concernées ;
- les copropriétés dégradées : c'est déjà une source d'immeubles insalubres très productive et cela ne peut aller qu'en empirant ! En cause le statut même de la copropriété et deux de ses lacunes majeures : faute d'obligation de vérification des installations privatives et d'aménagement de réseaux collectifs appropriés, on laisse les copropriétaires pourrir les immeubles avec des sanitaires non conformes et des raccordements "sauvages", et faute d'obligation de provisionner chaque année pour l'entretien lourd, on laisse les copropriétaires impécunieux ou irresponsables faire la loi dans les assemblées générales... Résultat : les parties communes se dégradent, l'immeuble se paupérise, et les copropriétaires qui peuvent s'offrir mieux sont remplacés par d'autres qui ont encore moins de moyens ou ne visent qu'un rendement locatif maximal et à court terme : bailleurs sans scrupules excessifs quant à la qualité des logements loués, voire "marchands de sommeil" exploitant les difficultés de logement des populations précaires...
Cette dernière catégorie d'immeubles vétustes constitue un défi redoutable, car une fois que le processus de dégradation est enclenché, il s'auto-alimente : la vétusté entraîne la perte de valeur, qui elle-même limite les moyens qui peuvent être consacrés à la rénovation alors qu'avec la dégradation celle-ci devient de plus en plus coûteuse ! Lorsque s'ajoutent la multiplication des impayés, la perte de confiance des derniers copropriétaires de bonne foi, et la disparition d'autres qui délaissent leur bien, la situation devient vite ingérable, le statut de la copropriété rendant les interventions extérieures très difficiles et obligeant d'en passer par la procédure lourde de l'expropriation !
Certes, depuis la loi de lutte contre l'exclusion du 29 juillet 1998 et la loi "SRU" (loi du 13 décembre 2000 relative à la Solidarité et au renouvellement urbains), jusqu'au plan de cohésion sociale de janvier 2005, des procédures et des moyens ont été mis en place pour traiter les copropriétés en difficulté : administration judiciaire, plans de sauvegarde, etc. Mais l'essentiel des moyens financiers de l'ANAH (Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat) et des collectivités territoriales - régions, départements, villes (Paris y consacre plus de 33 millions d'euros par an - vont de plus en plus aux OPAH (Opérations programmées d'amélioration de l'habitat), aux RHI (opérations de résorption de l'habitat insalubre) et autres OAHD (opérations d'amélioration de l'habitat dégradé) ! Lorsqu'un immeuble n'a pas la chance d'être situé dans le périmètre d'une de ces opérations, les propriétaires ne peuvent espérer que des miettes...
Une prévention très insuffisante
Plus grave, les dispositifs permettant de prévenir le processus de dégradation avant qu'il ne s'enclenche sont assez largement déficients : la réglementation sur le "logement décent" ne concerne que les locaux en location et ne vise qu'incidemment les parties communes ; le règlement sanitaire départemental et la législation générale fixent un minimum de règles mais les services d'hygiène municipaux ou départementaux n'interviennent que lorsque l'insalubrité et le péril sont avérés ! Seuls l'amiante et le plomb dans les peintures et dans l'eau de consommation humaine font l'objet de mesures de protection ou d'éradication !
Par ailleurs, aucune réglementation n'impose de normes de sécurité électrique ou incendie aux immeubles anciens : même des extincteurs ne sont pas obligatoires, et encore moins des dispositifs simples qui auraient pu sauver de nombreuses vies lors des incendies récents, comme des portes palières résistantes au feu, des détecteurs de fumées et des aménagements évitant aux cages d'escaliers de se transformer en cheminées infernales...
Pas même des tableaux de consignes pour inculquer quelques réflexes salutaires !
Déclencher plus facilement - et appliquer - les interdictions d'habiter
Même dans les cas de dégradation plus avancée, les moyens juridiques à la disposition des autorités administratives ne sont pas mis en oeuvre avec le zèle nécessaire ! La lutte contre l'habitat insalubre s'appuie pourtant sur des procédures du code de la santé publique, renforcées par la loi "SRU" : elles permettent de déclarer un immeuble insalubre remédiable ou insalubre irrémédiable avec interdiction définitive d'habiter. Cette dernière pourrait constituer une arme redoutable pour obliger les propriétaires à effectuer les travaux nécessaires ou à se laisser exproprier, si son utilisation ne butait sur un obstacle de taille : la difficulté - faute de logements sociaux disponibles et de structures d'hébergement temporaires - de reloger les occupants, aggravée par l'embarras des pouvoirs publics lorsque ces occupants - familles immigrées nombreuses et complexes - se révèlent être en situation irrégulière !
Du coup, faute de prise en compte depuis des décennies des besoins de logement des populations de sans papiers, dont on sait pertinemment que la plupart ne sont pas expulsables, les pouvoirs publics ont laissé sciemment perdurer des situations d'occupation dans des conditions indignes, utilisant finalement les immeubles insalubres comme espace de stockage jusqu'à l'extrême limite de leur démolition ou du démarrage des travaux de réhabilitation...
Dans ces conditions, entendre le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy exiger un recensement des immeubles dangereux, et voir les services de la préfecture de police entamer une tournée d'inspection accompagnée de journalistes dans quelques immeubles vétustes laisse pantois : ces immeubles sont connus de tous et font l'objet la plupart du temps d'arrêtés de péril ou d'insalubrité, assortis d'interdictions d'habiter ! Les préfectures ont les moyens juridiques d'expulser les locataires et squatters mais ne le font pas, et continueront à ne pas le faire après une ou deux opérations à grand spectacle et quelques déclarations de principe tant qu'elles ne sauront pas quoi faire des occupants délogés ! Le Figaro a beau titrer sur la résistance des familles immigrées à se faire reloger à distance de leur taudis ("un quart des mal-logés parisiens refusent de quitter leur quartier", ce qui en laisse trois quarts qui acceptent !...), la réalité est là : les solutions qui leur sont proposées sont souvent aussi précaires que le logement de fortune qu'on leur fait quitter, quand ce n'est pas déjà le résultat d'un précédent relogement...
Cet état de fait, qui ne pourra se résorber qu'au prix de plusieurs plans de cohésion sociale, met d'abord en danger la santé et la vie d'hommes, de femmes et d'enfants qu'on feint de découvrir chaque fois qu'un drame se produit : la préfecture de police de Paris déclarait le 31 août (1) que "le relogement des familles ne sera plus la condition sine qua non des évacuations", ajoutant : "nous ne pouvons plus prendre le risque de voir des gens brûler vifs dans leur logis", ce qui revient à reconnaître que jusque là on le prenait !...
Il bloque aussi comme on l'a vu pour l'immeuble du boulevard Vincent Auriol les opérations de réhabilitation, et de manière plus générale l'exécution des décisions d'expulsion, entraînant un indescriptible gâchis : propriétaires de bonne foi lésés par des locataires indélicats, indemnisations coûteuses pour inexécution des décisions de justice, ou hébergements des populations "incasables" dans des hôtels tout aussi insalubres mais à grands frais lorsque les expulsions ou les relogements sont décidés en catastrophe...
Dans son 8ème rapport, le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées - tout un programme - dénonçait une crise aux caractéristiques nouvelles : "la crise du logement est aussi une crise de l'Etat de droit" !
L'émotion sincère soulevée par les incendies du mois d'août a le mérite de rappeler qu'il y a au moins un domaine ou l'Etat et la France ne vivent pas au dessus de leurs moyens, pour reprendre l'expression trop convenue du ministre de l'économie : espérons qu'elle aidera à mettre en cohérence les intentions exprimées dans les discours avec l'affectation des moyens budgétaires nécessaires pour les mettre en oeuvre...
(1) Le Figaro, 1er septembre 2005
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