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ACTUS
Jusqu'où ira la libéralisation des baux commerciaux ?
Le
26/11/2003
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Ayant fait merveille avec un rapport consensuel sur le dossier a priori épineux des charges locatives à la demande de Gilles de Robien ministre entre autres du logement, Philippe Pelletier, président de l'ANAH, est de nouveau sollicité pour faire un miracle, cette fois par le Garde des Sceaux, Dominique Perben, sur un terrain autrement miné : la "modernisation" des baux commerciaux ! Il est vrai que la législation qui les régit date de 1953, même si elle a reçu maints toilettages, et qu'elle a été conçue dans un contexte de pénurie d'après guerre et d'inflation galopante qui n'est évidemment plus de mise aujourd'hui...
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Un vieux serpent de mer
Même si aujourd'hui les baux commerciaux sont régis par des dispositions insérées dans le tout nouveau Code de commerce, c'est en fait le texte du vieux décret du 30 septembre 1953, certes plusieurs fois modifié mais intact dans sa philosophie, qui y a été repris !
Honni par les propriétaires qui en réclament depuis des lustres la libéralisation et surtout le rééquilibrage, le système qu'il perpétue, même s'il est globalement favorable aux locataires, crée des rentes de situation et des distorsions de concurrence qui se retournent finalement contre ceux censés être protégés ! Et surtout, pervers dans les modalités de détail, il multiplie les chausses-trappes au détriment aussi bien des locataires que des propriétaires...
Pourtant, personne n'a jusqu'ici osé attaquer le monstre de face, et la tactique des responsables politiques semble avoir été "en parler toujours, y toucher jamais"... Peut-être vite découragés devant la montagne d'avantages acquis qu'il faudrait remettre en cause en même temps que cette législation d'un autre âge !
La mission Pelletier a-t-elle aujourd'hui des chances d'aller plus loin que tous les éminents juristes qui se sont penchés sur le problème auparavant ?
Une feuille de route ambitieuse
Le groupe de travail mis en place par le ministre de la justice autour de Philippe Pelletier, lui-même ancien avocat, et composé de magistrats, d'avocats et de professionnels de l'immobilier, ne manque pas d'atouts pour réussir : les baux commerciaux sont moins qu'avant affaire de boutiquiers, et les juristes d'entreprise, qui traitent de ces questions pour les locataires de bureaux ou de grandes surfaces commerciales sont plus ouverts et pragmatiques que le petit commerce qui traditionnellement s'arc'boutait sur ce statut. Et de toutes façons ce dernier pèse de moins en moins lourd dans la balance !
En tous cas, sa "feuille de route" est ambitieuse : le groupe de travail a pour mission d'ici avril 2004 de proposer des évolutions de la législation, notamment dans trois domaines :
- "remettre sur le marché de l'habitation, qui souffre d'une pénurie locative, les parties de locaux loués sous le régime des baux commerciaux comprenant pour partie un logement qui ne sert aujourd'hui ni à l'habitation ni au commerce ;
- "réduire le contentieux du plafonnement des loyers commerciaux et de la fixation du montant de l'indemnité d'éviction ;
- "mettre un terme aux "pas de porte", afin de faciliter l'installation de jeunes commerçants, aujourd'hui pénalisés par l'inflation artificielle du prix des fonds de commerce qui en résulte".
Le groupe de travail pourra même étendre sa réflexion au régime des baux professionnels et aux "contraintes qui pèsent notamment sur les professions médicales et juridiques en recherche de locaux". Il examinera par ailleurs "si des règles minimales doivent être définies pour les baux concernant les grandes surfaces et les locaux". Enfin, il pourra envisager "la modernisation du contrat de louage d'immeuble figurant au Code civil"...
Osera-t-on appuyer là où le bât blesse ?
La difficulté des objectifs cités est inégale. Concernant les logements attachés aux locaux de boutiques, l'idée est séduisante car cette configuration reste très répandue, et il y a belle lurette que les commerçants n'habitent plus au dessus de leur boutique ; mais qu'ils acceptent de rendre ces logements à l'habitation est une autre affaire : la plupart les ont depuis longtemps transformés - légalement ou sans rien dire - en bureaux ou en réserves, et il y a fort à parier qu'ils n'auront pas envie de les lâcher ! Sans compter que nombre de ces logements sont à la limite de l'habitable, fût-ce au prix de travaux de rénovation...
Mais le plus dur à attaquer sera sans nul doute la mise en cause du plafonnement des loyers et la suppression des "pas de porte", en fait le droit au bail que le locataire commercial peut céder en même temps ou non que son fonds de commerce ! Pour une raison simple : ceux qui auront payé cher un droit au bail pour bénéficier sur une longue période d'un loyer bon marché accepteront difficilement de perdre la valeur de cet investissement alors même que la législation fiscale leur interdit de l'amortir ! Au demeurant les deux sont liés : le seul déplafonnement des loyers réduirait à néant la valeur de la plupart des "pas de porte" en même temps que l'augmentation des loyers valoriserait dans les mêmes proportions l'actif des propriétaires, et on ne voit pas comment un gouvernement pourrait autrement qu'avec une période transitoire très longue, opérer un tel transfert de valeur des locataires vers les bailleurs sans provoquer une révolution !
La remarque est, mutandis mutandis, la même pour les baux professionnels : si les professions libérales se heurtent à un problème de recherche de locaux, ce n'est probablement pas en raison des contraintes de leur statut, très libéral puisque relevant du seul Code civil à l'exception d'un petit article 57A de la loi du 23 décembre 1986 qui fixe une durée minimale du bail de six ans, une durée de préavis de six mois pour le bailleur comme pour le locataire et la faculté pour ce dernier, moyennant ce préavis de donner congé à tout moment...
Personne au demeurant ne s'en plaint et deux projets de loi visant à créer une législation spécifique pour ces baux ont été abandonnés, en 1997 et en 2001...
En réalité, tout le monde sait que la vraie racine du problème des professions libérales est l'article L637-1 du Code de la construction et de l’habitation, qui limite dans les grandes agglomérations la transformation de logements en locaux professionnels ! Mais sa mise en cause est rarement mentionnée car elle fait craindre un autre risque, encore plus redoutable : la disparition progressive de l'habitation des centres-ville au profit des bureaux et des commerces...
Affaire à suivre en tous cas, même si le scepticisme qu'elle suscite tranche avec l'enthousiasme soulevé par le projet dans les organisations de propriétaires, UNPI en tête, qui pensent tenir enfin leur nuit du 4 août...
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