Un ministre chahuté pendant son discours de clôture d'un congrès professionnel, ça ne s'était jamais vu ! C'est pourtant ce qui est arrivé à Gilles de Robien au congrès de l'USH (Union social pour l'habitat - nouvelle appellation de l'union des HLM) jeudi 19 juin dernier, quand une véritable manifestation silencieuse s'est déroulé devant lui de la part de représentants des principales associations de locataires déployant une banderole affichant "Alerte ! le logement social est en danger"...
Il est vrai qu'il savait qu'il ne pouvait s'attendre à un accueil très chaleureux, et que son annonce de dernière minute d'arrêt du gel et des annulations de crédits, arraché à Bercy et au Premier ministre la veille, ne pouvait suffire à calmer la colère du monde du logement social, de moins en moins porté à se satisfaire d'annonces spectaculaires au financement incertain !
Une crise de confiance flagrante
Il est vrai que, commettant peu ou prou les mêmes erreurs que dans le secteur de l'éducation, le gouvernement, issu d'une majorité qui n'avait pas caché son hostilité à la loi "SRU" et dont nombre d'élus préfèrent ouvertement les HLM quand ils sont chez les autres, a tout fait pour laisser penser que le logement social n'était plus sa priorité : "détricotage" partiel quasi-immédiat du volet urbanisme de la loi "SRU" (mais Gilles de Robien a tout de même bien résisté sur l'emblématique article 55 créant le seuil des 20% de logements sociaux à atteindre dans les communes urbaines...), maintien sans conviction lors du débat budgétaire pour 2003 - et avec légère baisse en euros courants - des crédits du logement et de l'ANAH (Agence Nationale d'Amélioration de l'Habitat), adoption des mesures "Robien" en faveur de l'investissement locatif sans plafonnement de ressources et presque sans plafonnement des loyers, puis enfin annonce que le budget du logement social contribuerait au gel et annulations de crédits décidés par Bercy...
Sans compter les incertitudes créées par les projets de décentralisation !
Il n'en fallait pas plus pour soulever un émoi légitime, alors que les listes d'attente pour les HLM s'allongent (20% d'augmentation par an, plus d'un million de demandes en souffrance pour 4,3 millions de logements sociaux aujourd'hui en France, 10 demandes pour un logement en Ile de France !), que le logement social reste encombré de trop nombreux locataires qui relèveraient du locatif intermédiaire, notoirement insuffisant, et qu'il n'arrive pas de ce fait à absorber les nouvelles populations en butte à la pénurie locative et la flambée des loyers du secteur libre, ou précarisées par le redémarrage du chômage ! Résultat dénoncé par la Fondation Abbé Pierre : sous l'effet des expulsions et de la précarisation de nombreux emplois, la durée de séjour des personnes dans les dispositifs d'hébergement temporaires se prolonge provoquant leur engorgement, et au bout de la chaîne risquent de réapparaître les bidonvilles...
Trop peu trop tard ?
Certes, la pénurie de logement social ne date pas de l'arrivée de l'actuel gouvernement : la construction de nouveaux logements sociaux n'a cessé de diminuer, passant de plus de 90.000 unités en 1993 à 45.000 en 2002, alors que dans le même temps les démolitions augmentaient jusqu'à atteindre 12.000 logements en 2002 !
Ce qui s'est par contre accéléré sans que le gouvernement ait depuis un an pris la réelle mesure du phénomène, c'est l'augmentation des besoins ! La Fondation Abbé Pierre, dont personne ne semble contester les évaluations, chiffre hors démolitions à 80.000 par an sur plusieurs années les besoins de vrais nouveaux logements HLM pour absorber la demande, sous l'effet de nombreux facteurs, comme la désolvabilisation de nombreux locataires face aux loyers pratiqués dans le privé, et l'augmentation très forte du nombre de familles monoparentales !
Face à ces besoins, le gouvernement annonce le financement de 54.000 nouveaux logements, mais 12.000 relèvent en fait du locatif "intermédiaire" et le gel des crédits, accepté sans broncher par le ministre et pratiqué une partie de l'année risque d'en enlever près de 18.000 en 2003, sans compter les démolitions qui supprimeront quelque 12.000 logements anciens...
Scepticisme et craintes quant au plan Borloo
S'il ne pouvait espérer éblouir les responsables du mouvement HLM avec la promesse de ne pas geler des crédits déjà insuffisants, au moins le gouvernement disposait d'un argument de poids avec le projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville présenté la veille par Jean-Louis Borloo au conseil des ministres et déposé le jour même à l'Assemblée : programme de démolition-reconstruction de 40.000 logements par an sur 5 ans, réhabilitation de 40.000 autres, le tout financé en "guichet unique" par une Agence nationale de rénovation urbaine que l'Etat financera à hauteur de 2,5 milliards d'euros sur 5 ans, le reste du financement des interventions
de l'agence (au total selon les chiffres annoncés 1,2 milliards par an soit 6 milliards sur 5 ans ) devant être financé par le "1% logement" (2,75 milliards), la Caisse des dépôts, les collectivités territoriales, l'Union européenne et... les organismes HLM eux-même qui devront verser leur écot !
Sans compter les créations de nouvelles zones franches, la revitalisation des zones franches existantes, la procédure de "rétablissement personnel" inspiré de la faillite civile en vigueur en Alsace et Moselle, etc.
Précision importante : les dotations de l'Etat à l'Agence nationale de rénovation urbaine seront "sanctuarisés" (!) ce qui en dit long sur la confiance qu'ont les politiques dans leur persévérance dans l'effort une fois les bénéfices politiques récoltés par l'effet d'annonce...
Le problème est que pas grand monde ne croit sur le terrain qu'un tel programme puisse être réalisé sur le rythme prévu : les financements de l'agence ne consistant qu'en bonifications d'intérêts et subventions à la réhabilitation, c'est un programme de 30 à 50 milliards d'euros sur 5 ans qui doit être engagé pour atteindre l'objectif ! Or la mise en route des programmes est longue et les opérations de démolition-reconstruction délicates à organiser...
Par ailleurs, la décentralisation ne va-t-elle pas compliquer les procédures et rendre les financements plus aléatoires ?
Autre question : le programme "Borloo" ne va-t-il pas assécher encore les moyens à consacrer au logement social hors zones d'action prioritaire ?
Pire : beaucoup craignent que les démolitions se fassent sans que les reconstructions suivent : quand on détruit des tours, c'est rarement pour construire autant de logements au même endroit ! On construit des maisons de ville, introduit de l'accession pour une meilleur mixité, on déconcentre et aère les espaces, etc. Où construire les logements manquants alors que les espaces manquent et que de nombreux élus envisagent ces opérations comme devant leur permettre de se débarrasser de quelques unes de leurs populations à problèmes ? Si chacun essaie de les repasser à son voisin, on risque de perdre beaucoup de temps à tourner en rond...
"Nous attendons un signal politique encore plus fort de la part du gouvernement pour nous signifier son attachement au logement social et résoudre la crise" a déclaré Michel Delebarre, président de l'USH, dans son discours de clôture : cette interpellation résumait parfaitement la tonalité des réactions enregistrées au cours de ce congrès ! Les engagements du ministre en faveur d'une accélération de l'accession sociale (censée générer des ressources pour les organismes HLM en vue de construire de nouveaux logements) et du développement de la mixité sociale, chère au coeur des congressistes, n'y auront pas suffi...
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