Répartiteurs de frais de chauffage : obligatoires sous certaines conditions en 2018Un décret du 23 avril 2012 et un arrêté du 5 septembre ont rétabli les conditions de mise en œuvre de l'obligation d'installer des répartiteurs de frais de chauffage dans "tout immeuble collectif à usage principal d'habitation équipé d'un chauffage commun à tout ou partie des locaux occupés à titre privatif et fournissant à chacun de ces locaux une quantité de chaleur réglable par l'occupant" ; cette obligation avait été créée par une loi du 29 octobre 1974, mais les dispositions règlementaires d'application n'avaient été prises qu'en 1991 et n'avaient pas été mises à jour, notamment en ce qui concerne le calcul du seuil de coût du chauffage par m2 au dessus duquel l'installation de "répartiteurs" de frais de chauffage était véritablement obligatoire. Elle avait été depuis quelque peu perdue de vue... Le décret du 23 avril 2012 rétablit l'obligation, fixant la mise en service des appareils permettant d'individualiser les frais de chauffage collectif au plus tard le 31 décembre 2017. L'arrêté précise les cas de dispense de cette obligation : chauffage par dalle chauffante sans mesure possible par local, émetteurs de chaleur montés en série, systèmes de chauffage à air chaud ou fonctionnant à la vapeur ou encore installation de chauffage équipée de batteries ou de tubes à ailettes, de convecteurs à eau chaude, ou de ventilo-convecteurs dès lors que chaque local ne dispose pas de boucle individuelle de chauffage. Pour les autres types de chauffage, l'arrêté fournit les modalités de calcul du seuil de consommation d'énergie au dessus duquel l'installation est réputée obligatoire : 150 kWh/m² de surface habitable (SHAB) par an. Toutefois, pour les immeubles collectifs dont moins de 20% des émetteurs de chaleur sont équipés d'organes de régulation en fonction de la température intérieure de la pièce, ce seuil est porté à 190 kWh/m²SHAB/an. 95% des Français en faveur d'une individualisation des chargesCette règlementation remise à jour suffira-t-elle à relancer l'installation de répartiteurs dans les immeubles à chauffage collectif ? Aujourd’hui, selon le Syndicat de la mesure, seuls 10% des 5 millions de logements concernés (chauffage au fuel, gaz, réseaux de chaleur) ont des charges de chauffage individualisées, contre 97% en Allemagne, 96% en Belgique ou 91% au Danemark. Même l'Italie et l'Espagne ont un taux d'équipement supérieur avec respectivement 11 et 12%... Il est vrai qu'en Allemagne, l'installation de répartiteurs est obligatoire dans tous les logements chauffés collectivement depuis 1976, et que notamment les bailleurs sont pénalisés en cas de non application : le locataire peut déduire 15% de la facture de chauffage si l’individualisation n’est pas mise en place ! Même obligation au Danemark, en Autriche, et en Belgique. La directive européenne 2012/27/UE relative à l'efficacité énergétique (1), adoptée le 25 octobre 2012, rend obligatoire la répartition des frais de chauffage pour tous les logements équipés de chauffage collectif à fin décembre 2016 : elle impose aux Etats-membres de mettre en place un système de pénalités en cas de non application. La loi française devra donc être réadaptée en conséquence... Dans un avis très détaillé, publié le 9 janvier 2013 et intitulé "Efficacité énergétique ; un gisement d'économies ; un objectif prioritaire" (2), le Conseil économique, social et environnemental (CESE) rappelle cette directive et défend son bien-fondé. Partant du principe qu'un important potentiel d’économies et un levier fort en matière d’efficacité énergétique peut résulter d'un changement des comportements des consommateurs d'énergie, et que celui-ci suppose une prise de conscience collective, que seule une mobilisation des citoyens en tant que consommateurs peut produire. En faisant appel au civisme, à travers l’éducation et les campagnes d’information grand public, mais aussi grâce à l'information : diagnostics de performance énergétique, et systèmes de "comptage intelligent"... "Dès lors que l’utilisateur connaît sa consommation réelle, il est démontré que cela l’incite à réduire ses consommations et donc sa facture de 15 à 20%", affirme le CESE, qui appuie la recommandation de la directive européenne de généralisation des compteurs électriques "intelligents" et d’individualisation des charges de chauffage. Non sans remarquer, en ce qui concerne les répartiteurs de frais de chauffage, que leur modèle économique est particulièrement intéressant pour les particuliers comme pour l’État : "en effet, peut-on lire dans l'avis, ce sont les prestataires qui investissent dans le matériel puis le louent à l’utilisateur. Pour celui-ci, la réduction de sa consommation génère une économie à son profit d’en moyenne 100 euros par logement. Quant au prestataire, il est rémunéré par le prix de la location du matériel"... Et, reprenant à son compte les chiffres du Syndicat de la mesure, de chiffrer le potentiel global d’économie à 450 millions d’euros par an, soit 6 milliards de KWh d’énergie fossile. Enfin, comment résister à la pression vu que cette individualisation est souhaitée par une très large majorité des français : 95% d’entre eux, selon le CREDOC cité par le CESE, estiment équitable d’être "facturés" en fonction de leurs consommations individuelles ! Le contraire eut évidemment étonné... Les répartiteurs contre la rénovation énergétique ?Une seule fausse note détonne dans ce concert trop huilé : l'ARC (Association des responsables de copropriété), la très active association de consommateurs spécialisée dans la copropriété, pourtant mobilisée en faveur de la réduction des charges, très favorable aux compteurs d'eau, et en pointe dans la recherche des moyens de faciliter la rénovation énergétique des immeubles ! En premier lieu, elle conteste l'affirmation du CESE, selon laquelle "dès lors que l’utilisateur connaît sa consommation réelle, il est démontré que cela l’incite à réduire ses consommations et donc sa facture de 15 à 20%". Selon l'ARC, la seule étude réalisée l’a été par le Syndicat de la Mesure, et elle présentait de sérieuses lacunes méthodologiques (3). "Nous avons non seulement démontré que cette étude était irrecevable d’un point de vue simplement méthodologique, mais que les chiffres étaient « manipulés », ceci sans avoir été jamais démentis ni attaqués en justice par le Syndicat de la Mesure, malgré les accusations graves que nous avions formulées", indique l'association dans un communiqué; elle regrette que l’ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) ait repris ces chiffres, "sa bonne foi ayant été abusée", et remarque par ailleurs qu'à titre de comparaison, l’Agence Parisienne du Climat - particulièrement spécialisée sur ce sujet - retient les chiffres de 5 à 15%... Mais surtout l'ARC pointe le fait que les répartiteurs n’ont de véritable justification que dans les immeubles qui sont équilibrés thermiquement (isolation-terrasse ; isolation pignon nord ; isolation des caves). A défaut, le système est non seulement globalement peu efficace (les résidants qui ont froid laisseront de toutes façons leurs radiateurs fonctionner au maximum), mais aussi injuste, les occupants des logements mal situés et mal isolés étant doublement défavorisés : ils devront consommer d'autant plus de chaleur pour conserver un niveau de confort acceptable que les occupants des logements bien situés (plein sud et/ou entourés d’autres logements), seront tentés de profiter du chauffage de leurs voisins, pratiquant - volontairement ou non - un "vol de calories" qui oblige ces voisins à augmenter leur chauffage au lieu de le baisser... A noter que l’application de coefficients correcteurs, qui aurait pu au moins partiellement remédier à cette injustice, ne figure plus dans la règlementation rénovée, comme si la rénovation énergétique des immeubles anciens était achevée... Autre critique, le coût de la location-entretien-relevé des répartiteurs : il peut s'élever au total honoraires du syndic inclus pour la gestion de la répartition, à près de 100 euros, c'est à dire à peu près au montant des économies escomptées. Et de citer la DHUP (Direction de l’habitat de l’urbanisme et des paysages) au ministère du logement, qui a estimé dans le cadre des études préalables à la publication du décret du 23 avril 2012 que les seuls frais de relevés-location (hors frais de syndic) s’élevaient en moyenne à 10 % du coût du combustible ! Enfin, l'ARC craint les effets paradoxaux des répartiteurs de frais de chaleur : notamment qu'une fois la pose de répartiteurs effectuée dans des immeubles où pas ou peu de travaux ont été réalisés pour améliorer la performance énergétique, les copropriétaires estiment qu'il n'est plus nécessaire d'aller plus loin, et par exemple procéder à de vrais travaux d’isolation thermique. Les copropriétaires des logements bien situés paieront des charges de chauffage nettement réduites par rapport à ce qu'il payaient auparavant, et refuseront de voter et payer des travaux lourds qui vont surtout avantager les autres copropriétaires... Une thèse de sociologie sur les économies d’énergie dans les logements collectifs (4) montre que les répartiteurs ont un effet inhibiteur vis-à-vis des gros travaux nécessaires en matière de rénovation énergétique. Or la seule optimisation des installations collectives de chauffage permet d’obtenir, sans frais supplémentaires, les 15 à 20% d’économies recherchées par l'individualisation : régulation, entretien, réglages, ralenti de nuit ; désembouage ; équilibrage hydraulique, etc. (1) Union Européenne Directive 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012, relative à l'efficacité énergétique (2) le CESE - Avis du 9 janvier 2013 "Efficacité énergétique ; un gisement d'économies ; un objectif prioritaire" (3) Universimmo.com - 15/9/2011 : "Chauffage collectif : faut-il installer des compteurs divisionnaires ?" (4) Gaëtan Brisepierre, sociologue : "Thèse de sociologie sur les économies d’énergie dans les logements collectifs (2008 – 2011)" -*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-* Des réponses à vos questions !!! 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