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Plus d'expulsion sans relogement ? Le 16/3/2009
UI - Actus - 16/3/2009 - Plus d'expulsion sans relogement ?
C'est ce que Christine Boutin, ministre du logement, a promis - à la surprise générale - dans un entretien paru le 12 mars dans le quotidien Le Parisien. A la veille de la fin de la trêve hivernale le 15 mars, elle répondait à un collectif de trente-deux associations d'aide aux mal-logés qui demande un moratoire sur les expulsions. Elle a indiqué qu'elle rappellerait cette obligation aux préfets le jour même, lors d'un déplacement à Châlons-en-Champagne (Marne).


Promesse inconsidérée ou vrai tournant ?

"Tout cela est encadré par ma loi sur le logement qui exige la mise en place, dans chaque département, d'une commission de prévention des expulsions et qui facilite le développement de l'intermédiation locative" indiquait la ministre , se référant à la loi de mobilisation pour le logement et contre l'exclusion, adoptée définitivement le 19 février et en attente de son passage devant le Conseil constitutionnel. "Concrètement, une association ou un bailleur social bénéficiant de crédits de mon ministère pourra, vis-à-vis du propriétaire, se substituer aux locataires en difficulté et accompagner ces familles fragilisées. Cela doit leur permettre de rester dans leur logement", a-t-elle notamment précisé, sans répondre vraiment à la question qui lui était posée sur la possibilité en l'état actuel de pénurie de logement social de traiter toutes les situations...

Le problème est que les commissions de prévention des expulsions existent déjà - elles ont commencé à être mises en place suite à une disposition de la loi "ENL" du 13 juillet 2006 (article 60 de la loi et décret du 26 février 2008). Par contre figure dans sa loi une réduction de 3 ans à 1 an de la durée du délai qu'un juge peut accorder pour rendre exécutoire une expulsion...

D'où d'un côté le scepticisme de certaines associations, dont la Fondation Abbé Pierre, qui craint que ce ne soient que des déclarations d'intention, certes généreuses mais qui n'ont pas force de moratoire formel.

En effet, ni l'existence de ces commissions, ni une circulaire du premier ministre en janvier 2008 enjoignant déjà aux préfets, pour les personnes de bonne foi, de ne pas faire appel à la force publique en cas d'expulsion sans "solution durable de relogement mise en oeuvre", n'ont empêché le nombre d'expulsions de progresser : "la barre des 10.000 expulsions
manu militari a été franchie en 2006 (sans compter les dizaines de milliers d'expulsions qui se déroulent sans le recours à la force publique), avant le début de la crise économique", indique un communiqué de la Fondation, qui estime à 1,8 millions le chiffre des ménages peinant à s'acquitter de leur loyer (dont 500.000 en situation d'impayés)...

La ministre aurait donc enfoncé une porte ouverte sans même aller aussi loin que les précédentes actions puisque cette fois il n'y a ni circulaire, ni a fortiori décret ou arrêté, mais semble-t-il un simple courriel.


Inquiétude justifiée aussi du côté des propriétaires

Ces derniers peuvent à l'inverse craindre que l'Etat, en n'exécutant plus du tout les décisions d'expulsion, ne les laisse avec des logements occupés sans paiement de loyer et des charges, et qu'ils n'aient en fin de compte comme recours que l'indemnisation de l'article 16 de la loi du 9 juillet 1991, article qui rend l'Etat responsable de toute non exécution d'une décision de justice, indemnisation qui n'intervient dans les faits qu'à compter de la mise en oeuvre d'une procédure de plusieurs mois, et que les préfectures ont eu instruction de "négocier" à 70 à 80 % des sommes dues au lieu de 100 %, à charge pour le bailleur qui ne s'en contente pas de saisir le tribunal administratif !

Cette politique, qui date de janvier 2007 et avait été initiée par l'actuel président de la République, alors ministre de l'intérieur, repose sur une argumentation fournie dans une réponse ministérielle et qui vaut le détour : l'indemnisation spontanée est considérée comme constituant, non pas la juste reconnaissance de la nécessité de ne pas faire supporter par le bailleur les conséquences de considérations d'ordre public qui doivent lui rester étrangères, mais un accord transactionnel requérant des "concessions réciproques", ce qui permet au ministère de mobiliser en sa faveur la jurisprudence relative aux transactions, et notamment un arrêt du Conseil d'État du 19 mars 1971 ; la position du ministère exprimée dans la circulaire est en effet qu' "une transaction dans laquelle une seule des deux parties consentirait à abandonner unilatéralement ses prétentions constituerait une libéralité", l'arrêt mentionné interdisant à l'Etat de conclure "toute transaction qui conduirait l'État à payer une somme qu'il ne doit pas"…

Les bailleurs qui supportent le préjudice apprécieront la morale de cet argumentaire ! Ils auront au moins la consolation par leurs "concessions" de contribuer à l'allègement du budget du ministère de l'intérieur qui, dans la même réponse, se plaint que la charge financière correspondante soit "intégralement supportée par lui et représente un coût important"…
Qu'ils en voient aussi les bons côtés : "cette négociation permet de tenir compte de l'économie en terme de procédure, et de la rapidité du paiement qui représente un gain en terme de trésorerie", précisait alors le ministère...


Des précisions encore bien floues...

Dans un entretien sur la radio Europe 1 le 16 mars au matin, la ministre est revenue sur ses déclarations, fortement relayées par les médias, tentant à la fois de répondre au scepticisme des associations de défense des mal-logés, et de l'autre aux inquiétudes des bailleurs.

Aux premiers qui craignent que dans les zones tendues comme l'Ile-de-France, les solutions proposées aux familles expulsées ne soient que de l'hébergement ou de l'hôtel, Christine Boutin s'engage à ce que ce type de relogement ne soit proposé qu'aux expulsés "de mauvaise foi", les autres locataires sous le coup d'une ordonnance d'expulsion pour non-paiement du loyer mais réellement dans la difficulté et de bonne foi devant être maintenus dans les lieux. La ministre explique aussi que c'est pour faire la différence entre ces deux catégories de population qu'elle refuse le moratoire général demandé par les associations.

Souhaitant rassurer les bailleurs, elle indique aussi que le loyer et les charges des locataires de bonne foi ainsi maintenus dans leur logement seront pris en charge par des associations, sur financement public, affirmant disposer d'1,8 milliard d'euros de crédits du plan de relance pour cela.

A suivre...

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