ACTUS
Immobilier, logement : qu'attendre du plan de relance de l'économie ?
Le
5/12/2008
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Le logement devait être avec l'automobile une des priorités du plan de relance "puissant" que devait présenter le 4 décembre le président de la République lors d'un déplacement à Douai. Or alors que, dans un contexte économique général devenu déflationniste, la crise dans l'immobilier et la construction prend l'allure d'un krach à l'ampleur inégalée - les économistes de BNP Paribas n'excluent plus une baisse des prix de 30 à 40% dans les deux ans à venir -, les mesures annoncées laissent les acteurs du marché sur leur faim ! Même l'ampleur des moyens budgétaires ne semble pas être celle affichée de 22 à 28 milliards d'euros. Difficile de savoir en effet quelle part de ces sommes va être une injection dans le secteur de ressources nouvelles, et quelle partie d'entre elles pourra être réellement consommée dans la situation générale actuelle ! Du coup, le seul espoir pourrait venir de la baisse des taux de la BCE, d'ampleur historique, qui en dit long sur l'optimisme ambiant...
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Un plan "ambitieux et massif" ?
C'est ainsi que Nicolas Sarkozy a défini le plan de relance de l'économie qu'il a présenté le 4 décembre à Douai dans le Nord. Pour le chef de l'Etat, la crise actuelle "n'est pas une crise passagère" et appelle donc à transformer "profondément" le monde, à "tout changer". Pourtant, si le logement a été présenté comme une des deux priorités de la relance, il n'en recueille qu'une très faible partie de l'effort budgétaire net, et les professionnels dès le soir même laissaient paraître leur déception.
Les mesures sont au nombre de trois pour un total annoncé de "1,8 milliard d'euros de plus consacré au logement".
La première consiste en un doublement du prêt à taux zéro (PTZ), mais seulement pour l'achat d'un logement neuf, ce qui a fait immédiatement protester vigoureusement la FNAIM (Fédération nationale de l'immobilier, qui fédère une petite moitié des agents immobiliers français) ; ceux-ci travaillant essentiellement dans l'immobilier ancien, voient de la sorte leur passer sous le nez un des coups de pouce les plus attendus, les acheteurs de logements anciens représentant 2/3 des bénéficiaires habituels du PTZ...
Les prêts à taux zéro vont donc passer à 45.000 euros pour un couple en région parisienne et à 33.000 euros hors de Paris, et ce montant pourra représenter jusqu’à 30% du prix du logement contre 20% auparavant. Un courtier en ligne, Empruntis, estime que cette mesure équivaut à une baisse des taux comprises entre 0,4 et 0,6%.
Par ailleurs, la réforme reste aussi limitée parce que le gouvernement n’a pas entendu non plus toucher aux durées des remboursements qui restent plus ou moins avantageuses selon les revenus. Or, c’est justement sur ce point qu’il aurait fallu aussi agir : près de 8% des bénéficiaires du PTZ continueront à devoir rembourser leur prêt sur des délais de seulement de 6 à 8 ans...
Ainsi restreinte, la mesure ne coûterait que 600 millions d'euros, à supposer que les clients se précipitent et qu'ils obtiennent le financement principal par ailleurs...
La deuxième mesure concerne la construction de 70.000 logements pour moitié sociaux, et pour moitié "intermédiaires" en 2009 et 2010, en plus des 30.000 que le gouvernement essaie de faire racheter aux promoteurs - non sans difficultés et probablement sans grand succès -, essentiellement sur fonds non utilisés, par les organismes HLM depuis que l'annonce en a été faite le 1er octobre.
Toutefois, on ne sait pas très bien comment et sur quels financements doivent avoir lieu ces constructions supplémentaires, un coût de la mesure avancé de 600 millions d'euros, soit 8.500 euros par logement, ne représentant évidemment pas le coût total de l'opération.
Ni surtout sur quels terrains et avec quelle motivation des collectivités territoriales, dont on sait qu'elles sont le principal frein - et non le financement - à l'augmentation de la construction des vrais logements sociaux au delà des 60.000 de 2007 qui semblent être un plafond indépassable. Rappelons aussi que le gouvernement s'est déja fixé au total un objectif de 120.000 logements sociaux nouveaux, évidemment hors d'atteinte par les moyens actuels, et que l'annonce du 4 décembre ne permet même pas de l'atteindre d'ici 2010...
Enfin la troisième mesure consiste en une allocation supplémentaire de 200 millions d'euros aux programmes de rénovation urbaine et pour l'amélioration des habitats insalubres : l'ANAH, qui se verra attribuer cette dotation s'en réjouit - il s'agit d'une augmentation temporaire de près de 20% de son budget - et annonce qu'elle affectera 100 millions d'euros aux 80.000 propriétaires occupants modestes qui seront, ainsi, aidés pour améliorer leur logement, spécialement les "passoires thermiques" ; par ailleurs, 50 millions d'euros sont destinés à l'aide aux copropriétés dégradées, et 50 millions d'euros permettront d'accélérer la réalisation des OPAH (opérations programmées de l’amélioration de l’habitat pour réduire l’habitat indigne, en particulier en renouvellement urbain.
Mais là encore les chiffres sont trop modestes pour en attendre une relance de l'économie, et ne viennent même pas compenser le désengagement de l'Etat dans ce domaine au détriment des fonds de la collecte du "1% logement" ! Si l'ANAH a raison de faire valoir que les 200 millions qu'elle va recevoir sont de nature à générer 1 milliard de travaux supplémentaires, elle oublie qu'en contrepartie des 850.000 millions que l'Etat s'autorise désormais à ponctionner au 1%, le réseau des collecteurs supprimera les prêts "Pass-Travaux" (les artisans apprécient assez modérément...) et le "Loca-pass" (même chose pour les locataires), en fait une ponction nette sur le pouvoir d'achat au lieu de relance...
Curieuse annonce aussi que celle de l'allègement des contraintes liées au droit de l'urbanisme, qui seront "temporairement, considérablement assouplies" : coefficients de densité relevés de 20% dans certaines communes, mitoyenneté autorisée sur certains terrains, etc. Si une prorogation d'un an des permis de construire est bienvenue pour les promoteurs dont les programmes risquent d'être en panne encore pendant quelque temps, pour le reste, si le caractère tatillon du Code de l'urbanisme était le principal frein à la construction, cela se saurait !
La construction sociale freinée par les banques
Le frein du financement revient comme un leitmotive. Il avait déjà touché la promotion privée, il touche à présent aussi la construction sociale : ainsi, comme le rapportait le quotidien Le Monde le 4 décembre, l'adjudication annuelle de prêts locatifs sociaux (PLS) organisée le 28 novembre par Bercy auprès des banques françaises révèle l'ampleur du problème ! Alors qu'habituellement les banques se précipitent pour y souscrire, ce qui leur permet de pouvoir distribuer à leurs clients organismes HLM ces prêts "bonifiés" servant à financer la construction de logements pour des ménages aux ressources les plus limitées, cette fois, cela n'a pas été le cas : sur l'enveloppe de crédits de 1,2 milliard d'euros qui était proposée par l'Etat, la moitié seulement a trouvé preneur ! Or ces crédits devraient justement permettre de financer une partie des 30.000 logements (programmés mais pas construits) que le président de la république a prévu, début octobre, de faire racheter aux promoteurs privés en difficulté...
Le Monde souligne l'effet politique désastreux de ce "peu d'appétence" des banques pour ces crédits logements, alors que l'Etat n'a pas lésiné sur les moyens destinés à les soutenir face à la crise. Et que celles-ci se sont publiquement engagées à ne pas resserrer les vannes du crédit...
Ce que contestent les acteurs du logement social ou quasi-social, qui, régulièrement, dénoncent le peu d'entrain des banques pour financer des programmes immobiliers dans ce secteur, et qui est confirmé par la Caisse des dépôts et consignations (CDC): "Ça n'intéresse pas les banques, elles préfèrent faire du logement à loyer libre ou même du logement intermédiaire où elles obtiennent de meilleurs rendements", déplore auprès du Monde Jean-Philippe Gasparotto, secrétaire du comité de groupe de la CDC.
Les banques s'en défendent en mettant en avant la chute de la demande, qui les force à s'auto-limiter du fait du gel de nombreux programmes immobiliers, et le fait les PLS sont aujourd'hui utilisés par des sociétés HLM et des particuliers pour construire des logements bénéficiant du régime "Robien". Or les projets de recentrage de ce dispositif d'incitation fiscale à l'investissement locatif complique la donne.
Les promoteurs sceptiques
Côté promoteurs privés, c'est aussi la déception : ils attendaient une extension de la TVA à 5,5%, au moins pour tous les bénéficiaires potentiels du PTZ, ils n'ont que le doublement du PTZ et le rachat poussif de 30.000 logements à construire parmi tous ceux qui sont actuellement en panne de démarrage !
Pour le premier, ils restent circonspects. Selon Jean-François Gabilla, président de la FPC (Fédération des promoteurs constructeurs), interrogé par Les Echos, "le doublement du PTZ est une bonne chose. Toutefois, il est annoncé que son montant est en fait porté de 20% à 30% du plafond de prix du logement, qui est actuellement trop bas : il faudrait relever ce plafond d'au moins 50% pour que cette mesure soit utile". Il paraît, toujours selon Les Echos qu'à l'Elysée on précise que le relèvement du plafond dépendra de la zone géographique : + 34% en zone très tendue comme la région parisienne, moins ailleurs. Dans les faits, le montant du PTZ ne devrait donc doubler qu'en zone tendue.
Pas de précipitation non plus pour les 30.000 logements : si la SNI (Société Nationale Immobilière), filiale de la Caisse des dépôts s'est mise en première ligne et a prévu d'y participer pour un tiers, elle n'en a encore adjugé que 4.200, laissant entendre qu’ils l’auraient été avec une décote moyenne de 35% du coût de revient, baisse de TVA incluse. La FPC n'a pas attendu pour se braquer, estimant dans un communiqué que "si un tel écart était économiquement possible, les promoteurs en feraient prioritairement bénéficier les acquéreurs particuliers", et disant regretter vivement "de tels propos susceptibles de jeter un trouble supplémentaire dans l’esprit des acquéreurs potentiels" !
Visiblement très remontée, la FPC menace, si les transactions entre bailleurs sociaux et promoteurs devaient s’établir sur une telle base, pas moins que de "déconseiller à ses adhérents de poursuivre l’opération 30.000 logements", celle-ci n’étant pas "destinée à favoriser une production à perte qui affaiblirait durablement une profession indispensable pour la production de logements en France"...
De fait, les promoteurs n’ont pas multiplié les dossiers de candidatures : au total, une petite dizaine de milliers de logements auraient été proposés, alors que les inscriptions seront closes, en principe, le 7 décembre. Pour le président de Promogim, Christian Rolloy, interrogé par Challenges, cette offre "n’intéresse que les promoteurs qui sont collés avec un terrain déjà acheté, des travaux déjà lancés et pas - ou quasiment pas - de logements vendus. Or peu de promoteurs seraient assez fous pour s’être lancés dans ces conditions"...
En fait, le stock de logements neufs à la vente chez les promoteurs (environ 100.000 logements) n’est pas un stock de logements construits, mais de logements proposés en VEFA (vente en état futur d’achèvement), donc "sur plans". Si le promoteur n’a pas réussi à commercialiser 50 à 60% de son programme, il n'obtient pas son financement et l’opération n’est pas lancée, le projet reste en stand-by ou est abandonné, sans grande perte pour le promoteur, autre que le manque à gagner et les coûts de structure non absorbés. C’est ce qui arrive aujourd’hui pour 95% du stock officiel, indique la FPC, d'où la réticence à brader aux bailleurs sociaux, qui de leur côté n'ont pas de raisons de payer plus cher qu'ils ne le font habituellement des programmes qui ne leur conviennent pas forcément...
La BCE à la rescousse
Du coup, la seule vraie relance de l'immobilier et de la construction peut venir d'une baisse appuyée des taux d'intérêt des prêts. Un premier pas est franchi avec les baisses successives du taux d'intervention de la Banque centrale européenne (BCE) ; celle-ci a décidé à nouveau le 4 décembre d'abaisser de 0,75 point de pourcentage à 2,50 % son principal taux directeur. C'est cette fois la plus forte réduction de son histoire. Or si les taux des prêts immobiliers ne sont pas directement liés aux taux directeurs des banques centrales, ils ne peuvent qu'être influencés à court ou moyen terme. Or, bonne nouvelle, le taux d'intérêt des marchés financiers - l'OAT 10 ans (obligations assimilables du trésor) -, utilisé comme référence pour les taux fixes des prêts immobiliers, est en chute libre. Après une poussée jusqu'à 4,86% au 3 juillet 2008, il s'établissait en baisse à 3,42 % au 4 décembre. Du coup, un mouvement de reflux des taux d'intérêt des crédits est amorcé : selon le courtier Meilleurtaux.com, les taux d'intérêt des crédits immobiliers ont été en baisse de près de 0,2% en novembre ; pour un prêt sur 20 ans, l'emprunteur peut à présent obtenir avec un très bon dossier un taux fixe de 5,05%...
Encore faut-il que dans le climat de fort ralentissement économique et d'incertitude quant à l'avenir, on trouve à nouveau des emprunteurs capables d'en profiter et des banques désireuses de leur en proposer...
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