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Immobilier : un salon pour une copropriété en crise Le 7/11/2008
UI - Actus - 7/11/2008 - Immobilier : un salon pour une copropriété en crise
Dans quelques jours va se tenir le 14ème Salon de la copropriété et de la gestion de biens (1), grand rendez-vous et lieu de rencontre annuel entre les professionnels – les syndics, mais aussi les fabricants de produits et prestataires pour les immeubles – et leurs clients les copropriétaires. Occasion aussi de faire le point chaque année des évolutions de ce monde très particulier de la copropriété, qui représente un gros tiers du parc immobilier privé non locatif, pas forcément le moins problématique...

Marginal encore au début des années 50, le phénomène de la copropriété a, malgré l'engouement des français pour la maison individuelle, pris de l'ampleur au fil des décennies, au point de concerner entre 7 et 8 millions de logements appartenant à des copropriétaires : ceux-ci partagent la propriété de quelque 750.000 immeubles ou ensembles immobiliers collectifs (accessoirement aussi quelques ensembles pavillonnaires) placés sous ce statut juridique, et y cohabitent tant bien que mal pour la grande majorité d’entre eux.

Or force est de constater une fois de plus que ce monde de la copropriété est en crise ! Non pas tant à cause des subprime et de la crise économique mondiale qu’ils ont déclenchée : la crise économique et la crise du marché immobilier touchent certes inévitablement le monde de la copropriété, en sapant le moral des copropriétaires et leur confiance en l’avenir, ou en réduisant leur pouvoir d’achat, et donc leur capacité contributive aux charges d’entretien et d’amélioration des immeubles.


Une triple crise de confiance

Mais la copropriété est en crise aussi pour des raisons qui lui sont propres, depuis bien plus longtemps, raisons qui relèvent d’une triple crise de confiance.

La première, la plus ancienne est celle à l’égard des professionnels : elle a commencé il y a bientôt 15 ans avec l’affaire des syndics d’Ile-de-France, quand la justice a découvert un système – il faut l’appeler par son nom – de corruption généralisée des syndics par les entreprises de travaux, notamment de ravalement. Cette époque est aujourd’hui révolue, assurent les professionnels, et c'est probablement vrai, en tous cas à cette échelle et aussi ouvertement.

La crise de confiance s'est reportée sur les pratiques de facturation : les "prestations particulières" que les syndics ont multiplié au fil du temps pour éviter d'augmenter leurs honoraires forfaitaires de gestion courante... Contestés également les honoraires en pourcentage, sur les travaux grands et petits, qui font douter de leur motivation à négocier les prix au mieux des intérêts des copropriétaires !

Mais elle porte aussi sur des prestations « captives » proposées par les grands groupes via des filiales, sans que les copropriétaires soient toujours mis en mesure de déceler clairement le conflit d’intérêt éventuel : assurances, diagnostics, centre d’appel et services de dépannage, archivage, etc.

Dernier grief : la résistance des syndics à ouvrir un compte bancaire au nom du syndicat des copropriétaires, et la lancinante suspicion que leur propension à faire voter des budgets et des fonds de roulement confortables, ou pire, des fonds de prévoyance pour travaux, vise plus à leur permettre de générer des produits financiers pour leur propre compte qu’à servir l’intérêt de la copropriété ; de là à penser qu'ils ont en plus intérêt à traîner pour le règlement des factures, il n’y a qu’un pas, franchi allègrement par les associations de consommateurs qui leur font la guerre depuis des décennies, alors que rien ne semble montrer qu'il s'agisse d'une pratique répandue...

Deuxième crise de confiance, cette fois entre copropriétaires eux-mêmes : entre les simples copropriétaires et les conseils syndicaux, qui peuvent avoir tendance à confisquer le pouvoir, avec un syndic à leur main, et à n’en faire qu’à leur tête ; les copropriétaires "d’en bas" se sentent alors dépossédés de leurs prérogatives et infantilisés par des "sachants", qui les traitent de haut parce qu'eux connaissent les dossiers, et ne peuvent faire qu’au mieux puisqu’ils sont eux-mêmes copropriétaires...

D'autant que la communauté des copropriétaires est tout sauf homogène : d'où d'incessants conflits aussi entre copropriétaires anciens et nouveaux, entre résidants et loueurs, conflits quand il y a lieu avec les commerçants ou les propriétaires de bureaux, conflits entre ceux qui ont une vision patrimoniale et souhaitent investir dans des améliorations, et ceux plus soucieux du court terme parce qu’ils ne sont là que pour peu de temps, en attendant mieux...

Enfin troisième crise de confiance, cette fois dans le système même de "démocratie participative" forcée qu’est la copropriété : les copropriétaires en achetant un appartement n’ont pas conscience d’acheter aussi une quote-part des parties communes, qu’ils vont avoir la charge de gérer avec les autres copropriétaires, ni de souscrire des parts d’une collectivité qui peut connaître des aléas ou des accidents de parcours : contentieux, impayés, sinistres, etc.

Ils achètent d'abord et surtout un appartement, et tout ce qui vient de la copropriété au mieux les indiffère, et au pire les contrarie : règles juridiques excessivement complexes, comptes difficilement lisibles, gestion qu'ils peuvent ressentir comme opaque, tout les insupporte, d’où une focalisation excessive sur leurs problèmes privatifs, le sentiment que la plus grande partie des charges sont inutiles, et un déficit flagrant de sens de l’intérêt général !


Un système pourtant perfectible...

Comment y remédier ? Par la pédagogie, certainement, et les médias ont leur part à tenir dans cette tâche immense : en expliquant inlassablement ce qu’est une copropriété, et "comment ça marche" ; en responsabilisant aussi les copropriétaires avant même qu’ils le deviennent, plutôt qu'en les victimisant comme les y poussent les associations de copropriétaires. Par l’exemple également : en mettant en avant les cas de copropriétés qui fonctionnent bien, et en expliquant pourquoi et comment, au lieu de focaliser systématiquement sur les copropriétés ou les syndics à problèmes !

Car une bonne "gouvernance" d'une copropriété ne s'improvise pas : elle implique non seulement le syndic, mais aussi un conseil syndical organisé et actif, et des copropriétaires informés et traités en adultes !

Certes, les professionnels ont aussi leur part du travail à accomplir, notamment en établissant enfin une cohérence tarifaire de leurs services ; le travail réalisé dans le cadre du Conseil National de la Consommation (CNC), qui a abouti à l'avis du CNC du 27 septembre 2007 puis à l'établissement d'un contrat-type conforme à cet avis par trois grandes fédérations de syndics (2) est à cet égard exemplaire, même si les associations de consommateurs contestent la sincérité de sa mise en oeuvre sur le terrain et réclament uns réglementation plus stricte.

Mais ils doivent aller plus loin et oser affronter les autres points de fixation qui minent la confiance des copropriétaires : les conflits d'intérêt qu'il y a à proposer certaines prestations "captives", les honoraires en pourcentage et leur résistance à l'ouverture de comptes bancaires séparés au nom de chacune de leurs copropriétés. Sous peine de voir l'Administration ou le législateur se charger du problème, à sa façon : c'est en tous cas ce que laissait entendre fin octobre le secrétaire d'Etat à la consommation, Luc Chatel, dans un entretien à l'Express (3)...

Enfin, même si la loi sur la copropriété et son décret d'application sont parmi les plus sollicités du droit civil, ils restent perfectibles, en simplifiant d’un côté une réglementation trop tatillonne quant aux modalités de fonctionnement, et s’en remettant plus volontiers au contrat, mais aussi en imposant des règles plus strictes pour le financement de l’entretien à long terme des immeubles et des investissements de sécurité (ascenseurs, canalisations en plomb, etc.) ou d’économies d’énergie !

Notamment en rendant obligatoires les plans pluriannuels de travaux et la constitution de provisions pour y faire face, provisions qui resteraient acquises à la copropriété en cas de vente. Quitte à exercer un contrôle également plus strict sur l’utilisation et le placement - obligatoirement au profit du syndicat des copropriétaires et si possible sur des comptes défiscalisés type Livret A - des fonds ainsi accumulés, par exemple en imposant un commissaire aux comptes aux copropriétés dépassant un certain montant de budget annuel... Cette dernière mesure de précaution est d'autant plus indispensable en cas de gestion par des syndics non professionnels, notamment sur le mode coopératif, que les gestionnaires bénévoles ne sont pas, contrairement aux syndics professionnels, couverts par une garantie financière...

Le laisser-faire actuel, consistant à s'en remettre au bon vouloir de copropriétaires de moins en moins motivés, ne voue pas seulement à l’échec les efforts en faveur du développement durable, qui exigeront de la part des copropriétaires des investissements de montant respectable ; il fait prendre aussi un risque majeur : celui de voir un bon quart du parc immobilier se dégrader inexorablement par un entretien trop chichement mesuré, et se paupériser : rappelons-nous que les émeutes de 2005 sont parties non pas d’une cité HLM mais d’une « copropriété dégradée » de Clichy sous bois, qui avait pourtant été en son temps un bel ensemble immobilier...



(1) Salon de la copropriété et de la gestion de biens 2008 : 12 au 14 novembre 2008, Paris Expo, Porte de Versailles, Pavillon 5

(2) la CNAB (Confédération nationale des administrateurs de biens), la FNAIM (Fédération nationale de l'immobilier) et l'UNIT (Union nationale de l'Immobilier)

(3) L'express, 30 octobre 2008 : "Luc Chatel: Je n'hésiterai pas à légiférer"

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