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Economies d'énergie : l'habitat en première ligne ! Le 18/4/2006
UI - Actus - 18/4/2006 - Economies d'énergie : l'habitat en première ligne !
Risques entraînés par l'effet de serre, sensibilisation en faveur d'un développement durable, renchérissement du prix du fioul et du gaz, signes d'un épuisement plus rapide que prévu des réserves pétrolières : la prise de conscience d'une situation d'urgence s'accélère, avec celle des investissements nécessaires et du temps nécessaire pour en ressentir les effets ! Si les problèmes se posent à l'échelle planétaire, chaque pays est concerné, et la France pas moins que les autres. Or le bâtiment - résidentiel et tertiaire - est le premier consommateur final d'énergie et responsable de 21% des émissions de gaz à effet de serre. Une mission parlementaire tire la sonnette d'alarme et appelle notamment à une "révolution de l'habitat", qui ne se limiterait pas à la construction neuve, trop lente à remplacer le parc existant, principal gaspilleur d'énergie et notamment d'énergies fossiles !

Effet de serre et situation énergétique : l'urgence

Que ce soit par rapport à l'accélération du réchauffement planétaire, ou au risque de renchérissement durable du coût des énergies fossiles, les constats sont convergents : les économies d'énergie, passées au second plan dans les années 1990 redeviennent une priorité nationale ! Les inquiétudes face à des changements climatiques de plus en plus tangibles sont à présent relayées par le choc d'un baril à 70 dollars, sous le triple effet de l'envolée de la consommation mondiale de gaz et de pétrole, notamment des pays émergents, des risques géopolitiques touchant quelques gros producteurs, et des révélations inquiétantes quant à l'état réel des réserves, qu'un nombre croissant de spécialistes estime inférieures aux valeurs annoncées pendant des décennies (1) ! Sans compter les doutes qui s'expriment de manière persistante quant à la solution nucléaire, en ce vingtième anniversaire de Tchernobyl...

Les plus gros consommateurs sont inévitablement les premiers concernés, et en premier lieu le bâtiment - résidentiel et tertiaire -, qui représentait en 2004 43% de la consommation finale d'énergie, le résidentiel absorbant à lui seul 29% du total ! Le bâtiment devançait globalement les transports (31%), l'industrie (20%), la sidérurgie (3,6%) et l'agriculture (1,8%), et représentait 21% des émissions de gaz à effet de serre (CO2 et SO2). Il est vrai que cette proportion est plus favorable en France que dans la plupart des pays développés en raison de la forte part prise par le chauffage à l'électricité, à 80% d'origine nucléaire. Mais les émissions de gaz à effet de serre du bâtiment n'évoluent pas dans le bon sens : elles ont augmenté de 22,3% entre 1990 et 2004, presque autant que les transports (+22,7%) !

Ces chiffres sont cités dans le rapport d'une mission d'information parlementaire sur l'effet de serre remis le 12 avril dernier, qui, après une analyse sans complaisance des dangers encourus en raison du réchauffement climatique, formule un grand nombre de propositions notamment dans le secteur du logement (2).


Pour "une révolution de l'habitat"

Considérant que le secteur de l'habitat constitue un gisement potentiel d'économies d'énergie et de réduction des émanations de gaz à effet de serre d'autant plus intéressant à privilégier qu'il se tient, pour l'essentiel, à l'abri de la concurrence internationale et des risques de délocalisation, les auteurs du rapport estiment que la division par quatre des consommations énergétiques et des émissions de CO2 associées de ce secteur est selon eux possible d'un point de vue technique, à deux conditions fondamentales :

- jouer la complémentarité et les synergies entre l'isolation, la ventilation, les équipements et les énergies renouvelables, ce qui exige d'adopter une conception globale du bâtiment ;

- impliquer tous les acteurs de la filière qui ont tendance, aujourd'hui, à travailler de façon éclatée et sans continuité : maîtrise d'ouvrage, maîtrise d'œuvre, entreprises, industriels, mais aussi pouvoirs publics et institutions financières...


L'enjeu du "facteur quatre" dans le bâtiment est d'arriver à une moyenne de l'ordre de 50 kWh, par m2 et par an, pour le chauffage et pour l'eau chaude sanitaire en énergie primaire au plan national (la consommation moyenne actuelle dans le parc ancien est de 328 kWh/m2/an). Dès aujourd'hui, avec les techniques disponibles, les spécialistes estiment possible de diminuer de 40% la consommation d'énergie dans la construction neuve et tendre en une ou deux décennies vers le bâtiment passif ou "à énergie positive".

Mais la concentration sur la seule construction neuve ne suffit plus : la durée de vie moyenne d'un bâtiment est supérieure à cent ans et le renouvellement du parc, avec 300 à 400.000 logements construits, s'opère au rythme de 1 à 1,5% par an. En 2050, encore deux tiers des logements présents auront été construits avant l'année 2000 et la nouvelle réglementation thermique. A ce rythme, la réalisation de l'objectif de Kyoto pourrait être compromise par le seul secteur du bâtiment ! La prise en compte du parc existant est dès lors incontournable, la réalisation de l'objectif d'ici 2050 nécessitant en fait la rénovation de l'équivalent de 400.000 logements par an jusqu'à cette date !

La stratégie préconisée consiste à jouer "gagnant-gagnant", favorisant à la fois le confort et le bien-être des occupants, l'innovation et le progrès technique, la création d'emplois, la réduction des charges.

Du point de vue économique, certains exemples étrangers et les simulations qui ont été présentées à la mission parlementaire montrent qu'on peut arriver à un surcoût moyen raisonnable, entre 5 et 15%, avec un retour sur investissement très court. Les économies réalisées par les propriétaires devraient leur permettre de rembourser dès la première année les mensualités d'emprunt...

Cinq types de mesures à fort effet d'entraînement et de pédagogie sont proposées :

- un plan à long terme de rénovation énergétique des bâtiments existants : à raison de 400.000 logements par an, selon l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), la réalisation de l'objectif représenterait une création de 100 000 emplois et un investissement de l'ordre de 7 à 8 milliards d'euros par an, sur 45 ans ; les pistes pour le financer sont multiples : réforme du décret "charges", implication de partenaires financiers tels que la Caisse des dépôts et consignation pour des prêts à taux bonifiés, obligation sous des modalités diverses de rénovation thermique des bâtiments existants à l'occasion des cessions, ou des gros travaux sur les bâtiments datant d'avant 1975 ; de ce point de vue selon les auteurs, la mise en place du "certificat énergie" et du "diagnostic énergétique" (3) vont dans le bon sens mais ne sont pas de nature à déclencher un vrai mouvement de fond sur le marché français : un resserrement du dispositif des certificats d'économies d'énergie, les objectifs fixés à ce stade étant jugés "trop larges, très proches du tendanciel et ne demandant concrètement que très peu d'efforts supplémentaires aux entreprises"...


- un renforcement de la réglementation énergétique pour les bâtiments nouveaux, allant au delà de la réglementation thermique "RT 2005", qui est seulement de 15% plus ambitieuse que la "RT 2000", d'ailleurs assez mal appliquée selon les auteurs, en particulier dans les maisons individuelles, ainsi qu'une réglementation spécifique pour le tertiaire prévoyant des contraintes renforcées, pour toute surface construite ou réhabilitée supérieure à 1000 m2 ;


- une exigence d'exemplarité des collectivités publiques : introduction dans les cahiers des charges de tous les bâtiments financés avec des crédits publics d'un seuil d'efficacité énergétique correspondant aux normes "Haute performance énergétique" (HPE), ainsi dans les programmes de rénovation pilotés par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU)...


- le développement des mesures incitant aux économies d'énergie et à l'usage des énergies renouvelables dans l'habitat : renforcement des mesures mises en place dans le cadre du "Plan Climat", notamment à travers le mécanisme du crédit d'impôt, étendu à de nouveaux matériels, notamment aux pompes à chaleur, et à étendre aux frais de pose des équipements, et aux investissements réalisés dans les résidences secondaires, les auteurs jugeant aberrant, du point de vue écologique, que des bâtiments chauffés de manière seulement intermittente, ce qui occasionne fatalement des pertes d'énergie importantes, ne bénéficient pas des incitations prévues pour des résidences principales !


Les auteurs appuient à cet égard l'idée d'une directive européenne, lancée par des associations et des ONG et qui fait actuellement son chemin à Bruxelles, qui fixerait un objectif de consommation de chaleur à partir de sources renouvelables à hauteur de 25% en 2020, par recours à l'énergie solaire - il a déjà été rendu obligatoire dans les constructions neuves en Israël, en Catalogne et bientôt dans toute l'Espagne-, à la biomasse et la géothermie couplée à une politique visant à favoriser l'efficacité énergétique des bâtiments, comme leur rôle en tant que "puits de carbone", en développant notamment un plan d'ensemble de la filière bois...


Une multiplication des initiatives

Si l'effort à réaliser est considérable, la sensibilisation est de toute évidence en marche : le "développement durable" - expression malheureusement moins précise que la formulation anglaise "sustainable growth" (littéralement "croissance soutenable") - est devenu l'axe d'innovation majeur de tous les acteurs du bâtiment, de la construction ou de la rénovation : du CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment, qui en a fait son thème de prédilection avec notamment le concept de "bâtiment à énergie positive" qui, par intégration de panneaux solaires, de panneaux photovoltaïques, de micro-éolien, de guides de lumière, de matériaux à changement de phase et autres membranes piézoélectriques en façade, produit plus d'énergie qu'il n'en consomme (4), aux promoteurs, qui mettent désormais un peu de développement durable dans tous leurs programmes, en passant par les organisateurs de salons : Batimat en a fait le thème directeur de son édition 2005, et un nouveau rendez-vous annuel des acteurs du développement durable sera inauguré cet automne à Paris avec le salon Ecobuiding Performance (5).

Citons aussi pêle-mêle la communauté urbaine de Lille qui va choisir cette année un quartier qui sera entièrement réhabilité en fonction des critères de développement durable, le premier exemple français de ce type pour un ensemble de plus de 10.000 habitants, les Trophées de l’Innovation du salon Interclima+Elec, placés sous le signe de la performance énergétique, les économies d’énergie au programme du colloque 2005 du Club de l’amélioration de l’habitat, la démarche HQE (Haute qualité environnementale), concept apparu au début des années 1990 devenu en moins de 10 ans une référence pour les filières françaises, et la certification associée (6), touchant pour le moment essentiellement le tertiaire mais appelés à s'étendre à tous les types de bâtiments, neufs ou en réhabilitation, etc.



(1) Eric Laurent: La face cachée du pétrole, Éd. Plon.

(2) Rapport fait au nom de la mission d'information sur l'effet de serre

(3) prévu à l'article L. 134-1 du Code de la construction et de l’habitation (créé par l'article 41 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit)

(4) CSTB - Vers des bâtiments à énergie positive - voir aussi l'Editorial d'Alain Maugard, président du CSTB

(5) Salon Ecobuilding-performance

(6) site de l'association HQE - voir aussi sur le site de l'ADEME

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