ACTUS
Hausse des taux d'intérêts : quelles conséquences sur le marché immobilier ?
Le
5/12/2005
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Les mots "krach" et "bulle" reviennent avec de plus en plus d'insistance dans les commentaires concernant le marché immobilier et plus particulièrement celui de l'habitation, notamment depuis l'annonce d'une hausse des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE), les avis se partageant désormais ouvertement entre ceux qui alertent contre une baisse potentiellement brutale des prix, à la façon de ce qui s'est produit en 1990-1991, et ceux convaincus que le marché dispose d'un ressort suffisant pour ne connaître qu'un palier, avant une reprise naturelle au prochain tour de cycle... Qu'en penser réellement, sachant que la baisse des taux d'intérêt et l'allongement de la durée des prêts immobiliers constatés au cours de la dernière décennie constituent de toute évidence le principal facteur ayant permis le quasi-doublement des prix enregistré dans la même période ?
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La question ne peut en effet pas faire de doute : si les prix des logements ont plus que doublé depuis 1997 selon l'INSEE - l'indice trimestriel du prix des logements anciens est passé de 80,4 à 164,4 durant cette période - ce n'est certainement pas en raison de la seule hausse du pouvoir d'achat des acquéreurs : l'augmentation des prix a été amortie au niveau des remboursements des crédits immobiliers par l'effet combiné de la baisse des taux - les taux d'emprunt d'Etat à 10 ans en France sont passés de 6,75% le 15 mars 1997 à 3,09% le 9 septembre 2005 avant de remonter légèrement depuis - et de l'allongement de la durée des prêts : l'échéance moyenne d'un emprunt immobilier était de 17,6 ans au premier semestre 2005 contre 12,5 ans en 1995 ! Du coup, à mensualité égale, cette modification des conditions d'emprunt apporte à l'acquéreur une augmentation de sa capacité d'achat de 62% ! Passer avec la même baisse des taux de 15 à 25 ans permet même d'absorber 83% de hausse sans débourser un euro de plus...
Certes, la durée moyenne des prêts et la part de l'investissement financé à crédit peuvent encore augmenter : la part des prêts à 20-25 ans, voire 30 ans, augmente mais reste faible, et le taux d’apport personnel baisse, mais il était encore à 22% en moyenne en 2004 ; mais l'effet taux semble à présent avoir atteint son maximum, et l'augmentation d'un quart de point des taux directeurs de la BCE risque de marquer le début d'une inversion de tendance...
Un marché des taux durablement orienté à la hausse ?
Malgré les dénégations de Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, qui assure que le resserrement monétaire "n'est pas le début" d'un cycle de hausse des taux, les spécialistes croient plutôt au scénario d'une remontée progressive des taux : le taux d'intérêt à long terme (10 ans) des marchés financiers qui est utilisé comme référence pour les crédits immobiliers est en hausse sensible depuis fin septembre 2005 (+ 0,30 %). La BCE elle-même risque d'accompagner le mouvement : des économistes de grandes banques cités par Le Monde (1) tablent même sur plusieurs hausses d'un quart de point en 2006.
Mais les mêmes spécialistes s'accordent aussi pour exclure une remontée brutale à des niveaux comparables à ceux qui prévalaient il y a dix ans : tout au plus pour les taux d'intérêt à long terme de la zone euro 3,75 % pour le taux d'intérêt à 10 ans en milieu d'année 2006 et 4,00 % environ en fin d'année 2006...
Un marché français moins spéculatif qu'ailleurs en Europe
Dans son rapport d'automne, l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) s'est penchée dans un "focus" spécial de leur rapport sur les perspectives économiques mondiales à l'horizon 2007 publié le 29 novembre, sur la forte augmentation des prix immobiliers dans les 30 pays de la zone (2). Certains sont clairement menacés d'un éclatement de la bulle si les taux remontent fortement, mais la France n’est pas dans cette catégorie : comme aux Etats-Unis et dans les pays scandinaves, "les prix concordent à peu près" avec leurs principaux déterminants, indique l'étude. Cette analyse fait intervenir le taux d'effort des acquéreurs, ainsi que le rapport prix/loyer, qui ont évolué dans des marges modérées, ainsi qu'une certaine pénurie de l'offre et l'évolution démographique, générateurs en France d'une demande soutenue et durable.
Autre signe : le taux d’endettement hypothécaire des ménages français (encours des crédits habitat rapporté au revenu), bien qu'en hausse - il atteint 43% du revenu mi-2005 contre 30 % en 1998 selon le bulletin trimestriel d’analyse des principaux segments des marchés immobiliers français et européen du Crédit Agricole (3) -, reste raisonnable et inférieur à ceux observés dans la plupart des pays européens touchés selon l'OCDE par la fièvre spéculative : 115 % au Royaume-Uni et 65 % en Espagne ! Si la part du financement par crédit des achats augmente, seuls 36% d'entre eux sont financés à plus de 95%...
Et, contredisant les alertes répétées de la Commission bancaire, la même étude rappelle que les créances douteuses et litigieuses (CDL) des ménages restent limitées et relativement stables en niveau, et compte tenu de la forte progression des crédits aux ménages, le ratio CDL/total des crédits a plutôt tendance à se réduire, passant de plus de 7% en 1995 à moins de 3,8% en 2005...
Enfin, de l'avis de tous les opérateurs, aucun comportement à caractère spéculatif n'est plus constaté depuis la dernière crise, les achats étant motivés par le besoin d'occupation ou de placement, pratiquement jamais dans un but de revente à court terme, les marchands de biens eux-mêmes n'ayant sur le marché qu'une présence très discrète...
Un ralentissement amorcé avant la hausse des taux
A preuve en tous cas que le marché réagit en fonction de ses propres fondamentaux : il n'a pas attendu la remontée des taux d'intérêts pour amorcer un net ralentissement de la hausse : les taux ont atteint leur plus bas niveau en septembre alors que la FNAIM a vu son indice mensuel des prix de l'immobilier ancien baisser pour la première fois deux mois consécutifs depuis le mois d'août. La hausse des prix revient ainsi sur un an à +11.4% contre +15.4% l’année dernière à la même époque, soit un rythme à présent inférieur à celui observé en 2002. Signe qui ne trompe pas : si une part des primo-accédants accepte un taux d'effort élevé et une durée de prêts allongée, une part croissante d'entre eux renonce à acheter ! Ainsi, la part des primo-accédants dans l’ensemble des acheteurs de logements anciens ne cesse de diminuer : elle était proche de 60% en 2003 contre 75% en 1998, et cette tendance va inévitablement continuer. L'extension du prêt à taux zéro (PTZ) à l'immobilier ancien a permis d'enrayer temporairement cet appauvrissement, mais la hausse récente des prix et des taux va le relancer.
La détente du marché locatif s'ajoutant à la légère remontée des taux ne peut qu'accentuer ce mouvement de repli, dont il faut reconnaître a contrario qu'amorcé à temps, il est aussi de nature à limiter la chute...
Un marché du neuf dopé artificiellement par le "Robien" ?
Dernier facteur concordant : l'amorce d'un ralentissement des ventes de logements neufs : si l’activité a atteint des sommets cette année, des signes de ralentissement apparaissent : mi-2005, les ventes cumulées sur 12 mois s’accroissent de 5,1% par rapport aux ventes cumulées un an plus tôt. Cette progression était de 8,7% fin 2004 et 17,5% mi-2004. Sur les appartements (l’essentiel des ventes en promotion), les ventes cumulées au deuxième trimestre n’ont progressé que de 3,1% sur un an. Par ailleurs, les ventes se concentrent sur les petits logements et sont en faible hausse sur les grandes surfaces.
Les mises en vente restent en revanche en hausse soutenue, 18,1 % sur un an au deuxième trimestre. Leur nombre est depuis un an supérieur à celui des ventes. Du coup les stocks se remettent à augmenter : après un point bas à 35.100 unités mi-2004, ils se sont progressivement redressés et atteignent 42.000 unités au premier trimestre 2005 et 44.400 au deuxième. Ces niveaux restent toutefois historiquement bas : ils étaient supérieurs à 100.000 en 1991).
Le problème est que ce dynamisme est en grande partie lié à l'engouement pour l'investissement locatif assorti de la défiscalisation du régime "Robien" : 55.000 à 60.000 ventes par an liées à ce dispositif, soit la moitié environ des ventes des promoteurs. Au premier semestre 2005, les ventes "Robien" atteignent 55 % du total. Or ces ventes pourraient se réduire au cours des prochains mois ; en effet, les avertissements aux acquéreurs se multiplient, le marché locatif n'est pas toujours au rendez-vous et les taux de rendement, hors fiscalité, sont de moins en moins intéressants, du fait des fortes hausses de prix ; les niveaux de loyers sont contraints par la dégradation de la solvabilité des locataires et les nouveaux produits sont parfois moins attractifs que ceux commercialisés en 2003-2004 ; enfin, l'avantage fiscal du "Robien" est en passe d'être rogné : la durée d'amortissement totale va être réduite et la réduction d'impôt qui en résulte entrera dans le plafonnement des "niches fiscales" à partir de 2007 (imposition des revenus de 2006)...
Avec certes un peu de retard par rapport au marché de l’ancien, les prix du neuf ne devraient donc pas tarder à donner aussi des signes de ralentissement. Au deuxième trimestre, les prix des maisons individuelles ont progressé de 7,9 % sur un an, après une hausse de 8,4 % au premier trimestre. Ceux des appartements se sont accrus de 10,6 % sur un an (après 11,4 %).
Au total, plusieurs moteurs de la hausse des années récentes sont, comme on le voit, en passe de ralentir, voire même de s'inverser ! Reste celui de la demande, alimentée par des facteurs sociologiques de fond, comme la diminution du nombre de personnes par foyer, les divorces et séparations, la décohabitation des jeunes, etc. Elle pourrait être stimulée par une reprise économique plus dynamique, pas forcément exclue. A défaut, il faut s'attendre au moins à une période de stagnation des prix moyens, et l'apparition de baisses réelles dans de nombreux secteurs, alors que d'autres continueront probablement à augmenter en raison de déséquilibres locaux...
(1) Le Monde du 4 décembre 2005 - dans le même n°, le quotidien livrait les chiffres suivants sur les crédits immobiliers :
Montant des crédits : 120,8 milliards d'euros octroyés entre septembre 2004 et septembre 2005. 129 milliards d'euros prévus fin 2005 ; en 2004 sur l'ensemble des crédits, les prêts à taux zéro représentent 1,9% de l'encours global accordé, les prêts d'épargne-logement 1,7%, les prêts d'accession sociale 7,2% et les crédits du secteur concurrentiel 89,8 % ; 33% des crédits sont accordés par les banques généralistes, 51,8% par les banques mutualistes ou coopératives et 15,2% par les établissements spécialisés, dont La Poste.
(2) Perspectives économiques de l’OCDE n° 78- III. Le rôle des fondamentaux dans l’évolution récente des prix des logements
(3) Eco Immobilier octobre 2005
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