ACTUS
Copropriété : une méthode originale pour modifier la répartition des charges
Le
14/11/2005
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Objet de fréquentes controverses dans les copropriétés, la répartition des charges obéit à des règles très strictes auxquelles le syndic ne peut déroger. Elle s'effectue au moyen de grilles de tantièmes incluses dans le règlement de copropriété de chaque immeuble ou ensemble immobilier. Leur modification, même lorsqu'elles sont manifestement contestables, est quasi-impossible car toute décision de changement requiert, en dehors de cas précis plutôt rares, que tous les copropriétaires soient non seulement d'accord - y compris ceux que la proposition n'arrange pas - mais aussi présents à l'assemblée ou représentés ! A défaut, les copropriétaires lésés par la situation en vigueur doivent saisir la justice, perspective traumatisante pour ceux qui essaient de préserver une ambiance de relations courtoises dans la copropriété ! Impossible ? Pas tout à fait : une méthode peu connue permet d'arriver au résultat de façon moins conflictuelle : l'arbitrage ! Elle reste à découvrir...
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Pour les orphelins de l'article 49...
Il n'est pas rare que dans une copropriété, une ou deux grilles de répartition de certains postes de charges soient de toute évidence non seulement inéquitables, mais aussi non conformes aux principes fixés respectivement par les article 10 et 5 de la loi du 10 juillet 1965 : répartition des "charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun en fonction de l'utilité que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot", et répartition des "charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes" proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots", "telles que ces valeurs résultent lors de l'établissement de la copropriété, de la consistance, de la superficie et de la situation des lots, sans égard à leur utilisation"...
Un grand espoir était né lors de l'introduction dans la loi d'un article 49 par la loi "SRU" (loi du 13 décembre 2000 relative à la Solidarité et au renouvellement urbains), permettant à l'assemblée générale de décider, dans les cinq ans suivant la promulgation de cette loi, à la majorité prévue à l'article 24 (majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés), "les adaptations du règlement de copropriété rendues nécessaires par les modifications législatives depuis son établissement".
Nombre de ceux qui avaient espéré pouvoir ainsi toiletter les grilles de répartition de leur copropriété ont dû déchanter du fait de la dernière expression "depuis son établissement" : cette possibilité n'existait donc en fait que pour les copropriétés créées avant le 10 juillet 1965...
Pour les autres, de loin les plus nombreuses, la dure loi de l'article 11 s'applique dans toute sa rigueur : "la répartition des charges ne peut être modifiée qu'à l'unanimité des copropriétaires", ce qui implique que tous soient sans exception présents en assemblée ou représentés au moyen d'un pouvoir, et que le projet présenté recueille 100% des voix sans la moindre abstention...
Les copropriétés où un consensus général pourrait être dégagé pour une refonte d'une ou plusieurs de leurs grilles de répartition (charges d'ascenseur, de chauffage, d'entretien de parties communes intérieures n'intéressant qu'une partie des copropriétaires seulement, etc.) seraient-elles condamnées au statu quo par la faute d'un opposant "par principe", ou de copropriétaires absentéistes et rétifs à toute délégation de pouvoir ? Pas tout a fait : certains auteurs ont imaginé une méthode permettant de contourner l'obstacle...
Un contournement élégant de la règle de l'unanimité
Ce n'est pas nouveau mais la méthode a été encore récemment décrite dans un article de Philippe Viard, expert en copropriété, paru dans la Revue de l’habitat français de septembre 2005. La voie proposée est celle de l’arbitrage : il s’agit d’un processus juridictionnel prévu par les articles 1442 à 1491 du Nouveau code de procédure civile (NCPC), qui permet de choisir un ou plusieurs arbitres (en nombre impair, on comprend pourquoi), et de leur soumettre le litige, en l'occurrence les propositions de modification de répartitions susceptibles d'opposer les copropriétaires les uns aux autres ; une fois une décision d’arbitrage obtenue, il suffit de demander l’ "exequatur" au tribunal de grande instance (TGI), ce qui la rend exécutoire au même titre qu’un jugement.
L’avantage de cette méthode est que le recours à l’arbitrage est une décision qui se prend en assemblée à la majorité simple des voix exprimées des copropriétaires présents et représentés, à savoir celle de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965, et non à l'unanimité de tous les copropriétaires comme indiqué précédemment ; c'est la simple application de l’article 55 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 modifié...
Autre avantage non négligeable : l’arbitrage peut se dérouler sans l’agressivité générée par une procédure par voie d’assignation entre des demandeurs et le syndicat des copropriétaires, obligé de se défendre ! Le délai est également incomparablement plus court qu’une procédure devant le TGI, pour un coût global également moindre.
L’arbitre, comme le ferait dans le cas classique un expert judiciaire entend les arguments des uns et des autres - partisans et opposants au projet soumis - et arrête une nouvelle répartition préservant l’équité et les intérêts contradictoires. A l’achèvement des travaux, l’arbitre dépose au tribunal l’ensemble du dossier et la sentence arbitrale, afin que le syndicat en demande l’exequatur, qui sera ensuite publiée comme un modificatif au règlement de copropriété.
La sentence arbitrale n'est pas susceptible d'opposition ni de pourvoi en cassation. Elle peut juste être frappée de tierce opposition devant la juridiction qui eût été compétente à défaut d'arbitrage (article 1481 du NCPC). Les parties à l’arbitrage peuvent faire appel sauf si elles ont renoncé à cette faculté dans le compromis d’arbitrage ; elles ont aussi la faculté d’exercer un recours en annulation, en cas de vice de procédure, ou en révision, mais seulement en cas de manœuvre frauduleuse...
Les conditions de succès de l'arbitrage
On l'aura compris, le recours à l'arbitrage n'est possible qu'à deux conditions : que le projet de modification soit étayé par de solides arguments quant à la non conformité des grilles contestées aux règles fixées par la loi, et que le projet de modification ne risque pas de rencontrer une opposition résolue et justifiée de la part d'un ou plusieurs copropriétaires qui pourraient légitimement s'estimer lésés par les nouvelles répartitions !
Moyennant quoi, si ces conditions sont réunies, l'arbitrage peut permettre de trouver, dans une démarche rigoureuse et civilisée, des compromis intelligents dans un domaine qui d'ordinaire a plutôt tendance provoquer des guerres de tranchées...
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