ACTUS
La défiscalisation, et après...
Le
30/11/2004
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Résidences-services, immobilier de vacances, investissement dans les DOM-TOM, loi Malraux : l'immobilier défiscalisé a la cote et, malgré les avertissements répétés, l'avantage fiscal continue à faire vendre ! En effet, si nombre d'investisseurs se contentent de l'amortissement "Robien" ou de la fiscalité déjà assez avantageuse du locatif ancien, d'autres en veulent plus et se laissent toujours aussi nombreux tenter par des formules plus "pointues", apportant suivant les cas une récupération de la TVA, une réduction d'impôt, parfois cumulée avec la précédente, ou le report intégral du déficit sur le revenu global ; autrement dit, la possibilité de se constituer un patrimoine immobilier à bon compte, et grâce à des financements appropriés, avec une mise de fonds minime ! Ce faisant, et grâce au savoir-faire d'habiles vendeurs formés à cet effet, ils sous-estiment la plupart du temps la spécificité des "produits" proposés et éludent presque toujours les conditions de la revente...
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Des avantages fiscaux substantiels
On n'attrape pas des mouches avec du vinaigre ! Les avantages fiscaux de ce qu'on appelle communément l'immobilier de défiscalisation ont de quoi séduire :
1. la récupération de la TVA
Elle représente 16% du prix d'achat et elle est permise dès lors que la location peut être assujéttie elle-même à la TVA ; c'est le cas en application de l'article 261D du CGI des investissements dans des "résidences de tourisme classées lorsque ces dernières sont destinées à l'hébergement des touristes et qu'elles sont louées par un contrat d'une durée d'au moins neuf ans à un exploitant qui a souscrit un engagement de promotion touristique à l'étranger" ou des "résidences avec services" délivrant "en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle".
Les résidences avec services les plus courantes sont les résidences pour étudiants, et celles pour personnes âgées, médicalisées ou non.
La récupération de la TVA par l'investisseur est acquise, qu'il acquiert des locaux nus ou meublés, dès lors qu'il consent à l'exploitant idoine un bail commercial par définition d'une durée minimum de neuf ans, mais il doit dans la pratique conserver le bien pendant 20 ans faute de quoi il doit rembourser une fraction de la TVA déduite (CGI, annexe II, article 210)...
2. des réductions d'impôt
Elles sont substantielles pour les contribuables redevables de suffisamment d'impôt sur le revenu pour les imputer (ne pas confondre avec des "crédits d'impôt" qui sont remboursables...) : la réduction d'impôt est de :
- 40% du prix d'acquisition pour les investissements réalisés jusqu'au 31 décembre 2017 dans l'immobilier locatif neuf dans les DOM-TOM (et même 50% pour les locations en secteur intermédiaire, avec plafonnement des ressources des locataires et du loyer pratiqué) ; la réduction est plafonnée à 1.750 euros par m2 et étalée sur 10 ans ; elle requiert un engagement de location pendant une durée minimale de 5 ans (6 en secteur intermédiaire) ; elle existe aussi pour une acquisition dans un immeuble achevé depuis plus de 40 ans et faisant l'objet de travaux de réhabilitation, avec dans ce cas un étalement sur 5 ans de la réduction au taux de 25% sur les travaux (1)...
- 25% du prix d'acquisition pour les investissements réalisés jusqu'au 31 décembre 2006 dans des résidences de tourisme neuves situées dans une zone de revitalisation rurale (ZRR) ou une zone rurale défavorisée (2) sous réserve de location du logement acquis à un exploitant pendant 9 ans (la réduction d'impôt se cumule alors avec la récupération de la TVA comme mentionné ci-dessus...) ; la réduction d'impôt est étalée sur 4 ans et existe aussi au taux de 20% pour les travaux de réhabilitation ou non réalisés sur des bâtiments anciens, avec un étalement sur 6 ans...
3. le report intégral des déficits sur le revenu global
Il joue en général sur une année d'imposition, mais, pour les contribuables payant beaucoup d'impôt sur le revenu, il revient à se faire rembourser une bonne partie de l'investissement lorsque celui-ci comporte une proportion importante de travaux ! Alors que pour le commun des bailleurs il est limité à 10.700 euros, le report intégral du déficit est permis à deux catégories d'investisseurs :
- ceux qui bénéficient du statut de "loueur en meublé professionnel" (LMP), par exemple en achetant plusieurs appartements meublés dans une résidence de tourisme ou une "résidence-services" (ce qui permet aussi de bénéficier de la récupération de la TVA et dans certains cas de la réduction d'impôt...) : il faut pour cela totaliser au minimum 23.000 euros de recettes TTC tirées des locations en meublés et avoir le droit de s'inscrire au registre du commerce (plusieurs professions libérales en sont par exemple exclues)...
- ceux qui achètent dans le cadre d'une opération "Loi Malraux" : il faut que l'immeuble soit dans un secteur sauvegardé ou dans une zone de protection du patrimoine urbain ou paysager (ZPPAUP), que les travaux soient réalisés à l'initiative et sous la responsabilité de l'investisseur ou de la copropriété et non du vendeur du programme, au moins dans les formes adoptées, et que l'investisseur s'engage à louer le bien pendant une durée minimale de 6 ans...
Premier risque : l'achat d'un produit surpayé
Si les avantages fiscaux accordés sont alléchants, les investissements y donnant droit ne sont pas sans risques, loin s'en faut ! Et en premier lieu celui, si l'appât fiscal est trop fort, de le surpayer ! La plupart des produits proposés sont "fabriqués" en fonction de la "défiscalisation" qu'il procure et il ne faut pas s'étonner de voir les promoteurs ou les vendeurs , en affichant des taux de rentabilité mirobolants fondés sur des hypothèses difficilement vérifiables, vouloir se garder une part du gâteau...
Ce risque existe déjà pour les "produits" ouvrant droit à l'amortissement "Robien", du fait de la méconnaissance par l'investisseur du marché local de la vente et de la location, et il est a fortiori omniprésent dans ces investissements hautement spécialisés pour lesquels le client manque cruellement de références !
Sans compter le risque de remise en cause de l'avantage fiscal si l'opération n'a pas été réalisée en conformité avec les textes qui le régissent, et qui pour le coup laisse l'investisseur avec un bien franchement surpayé : ce risque est présent dans tous les cas et particulièrement avec les investissements "Loi Malraux", qui exige du vendeur un respect scrupuleux, au moins dans les apparences, du principe de sa non intervention dans la réalisation des travaux qui vont générer le déficit reportable, faute de quoi le redressement est quasi inévitable, ces opérations étant - allez savoir pourquoi - particulièrement surveillées...
Deuxième risque : une gestion captive sans alternative
L'investissement dans les résidences de tourisme ou avec services requiert, pour être éligible à la récupération de la TVA, de conclure un bail commercial avec un exploitant spécialisé, qui assure notamment la location du logement acquis ; or, il faut savoir que la question du droit au renouvellement de ce bail n'est pas encore tranchée : si ce droit finit par être reconnu, l'exploitant ne sera certes pas inamovible mais il faudra pour l'évincer payer une indemnité d'éviction !
Par ailleurs, le même exploitant gère aussi les parties communes, assure les services collectifs et entretien les bâtiments. Les copropriétaires peuvent certes en changer comme on change de syndic dans toute copropriété, mais la majorité nécessaire est difficile à réunir en raison de l'absentéisme qui caractérise ce type de copropriétés ! De surcroît, les copropriétaires qui ont conclu un bail commercial avec le même exploitant hésitent à l'évincer de peur de le voir se désintéresser de la location de leur bien au profit de ceux situés dans les autres immeubles qu'il gère...
Enfin tout dépend de la localisation du bien : très souvent - c'est notamment le cas des résidences de tourisme dans certaines stations de sports d'hiver - il n'existe même pas à proximité raisonnable de concurrent susceptible de prendre le relais !
Troisième risque : des revenus plus faibles que prévu
Immeubles inadaptés à leur localisation, marché locatif saturé par une offre surabondante, loyers allègrement surestimés, incapacité de l'exploitant dans le cas des résidences de tourisme ou avec services à assurer un taux d'occupation suffisant, risque d'impayés présent comme dans toute location et qui n'est pas forcément couvert par une garantie adéquate, bref le causes de déconvenues ne manquent pas et les promesses des vendeurs doivent être prises avec circonspection, d'autant que le risque sur les revenus peut aussi se cumuler avec un risque symétrique sur les charges...
Quatrième risque : des charges plus fortes que prévu
C'est notamment le cas des résidences de tourisme et de résidences services : sans que l'on sache si c'est l'effet ou non de l'inamovibilité de l'exploitant, les charges explosent presque partout : jusqu'à trois fois plus élevées que dans une copropriété classique, en raison notamment des charges de personnel et dans le cas des résidences pour personnes âgées du coût des normes techniques de plus en plus contraignantes ! Récupérées ou non sur les locataires (les baux peuvent être charges comprises ou avec récupération quasi intégrale, les meublés autorisant toutes les souplesses), elles pèsent inévitablement sur la rentabilité...
Cinquième risque : une revente toujours problématique
Qu'elle intervienne in fine ou par anticipation, il est rare que l'investisseur conserve la valeur du bien acquis voire même retrouve sa mise initiale, et ce pour au moins quatre raisons :
- l'avantage fiscal dont il a bénéficié à l'achat a disparu, et avec lui l'attrait de l'investissement, celui-ci ne conservant que ses aspects les plus négatifs : charges, contrat captif, faible rentabilité, etc.
- le bien a pu être surpayé à l'acquisition ;
- la résidence a vieilli et subit la concurrence de produits mieux adaptés, qui plus est proposés avec des avantages fiscaux...
- le bien peut devoir être vendu occupé, et donc avec une décote supplémentaire de 20 à 30% pour ne pas remettre en cause, par le non-respect de la durée minimale de location, la réduction d'impôt ou le report du déficit sur le revenu global dans le cadre de la loi Malraux...
Une sortie anticipée peut s'avérer encore plus coûteuse : nécessité de rembourser une part de la TVA déduite à l'achat en cas de revente avant 20 ans, perte de la réduction d'impôt non encore imputée du fait de l'étalement et non transmissibilité aux héritiers en cas de décès dans le cas des investissements dans les DOM-TOM (par exemple en cas de revente de biens achetés neufs avant 10 ans) ou dans les résidences de tourisme (idem en cas de revente avant 4 ans)...
Tout cela malheureusement n'est pas nouveau : ces avertissements se trouvent régulièrement à longueur de magazine, et pourtant rien ne semble y faire : il y a toujours des clients chaque fois qu'un nouveau produit est commercialisé...
(1) loi "Girardin" : loi n°2003-660 du 21 juillet 2003, dite Loi-programme pour l'Outre-mer - voir le dossier législatif complet et le texte de la loi
(2) définies par le décret no 96-119 du 14 février 1996 et décret no 2001-1315 du 28 décembre 2001
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