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Les charges de copropriété seraient-elles maîtrisées ? Le 5/11/2003
UI - Actus - 5/11/2003 - Les charges de copropriété seraient-elles maîtrisées ?
C'est ce que laisseraient penser les résultats pour 2002 de l'Observatoire des charges créé l'an dernier par la CNAB (Confédération nationale des administrateurs de biens), présentés hier lors d'une conférence de presse : elles auraient même globalement diminué de 0,3% par an depuis 1990 alors que le revenu disponible des ménages augmentait dans la même période de 3,7% par an, ce qui aurait eu pour effet de diminuer de plus du tiers leur poids dans ce revenu !

Ce n'est pas nouveau que la CNAB, 2ème organisation professionnelle de syndics et administrateurs de biens par le nombre d'adhérents dans toute la France, présente des statistiques sur les charges des immeubles en copropriété gérés par ses membres - elle le fait depuis quinze ans et plus - mais elle a choisi de mettre en place un outil statistique plus rigoureux en collaboration avec Michel Mouillart, professeur à Paris X Nanterre, et spécialiste omniprésent des données du marché immobilier français, qui en présentait les résultats pour la deuxième année consécutive.

Un échantillon de 11547 immeubles...

C'est la taille de l'échantillon constitué en 2003 pour l'analyse des charges de 2002. Il représente 458.700 logements pour 35.389.700 m2 de surface habitable (77,8 m2 en moyenne, donc un peu au dessus de la moyenne nationale), soit 7,2% du parc de logements en copropriété en France (6.375.000 unités selon l'enquête logement de ...1996, chiffre le plus récent disponible !), ou plutôt 8,2% du parc géré par les professionnels, qui exclut un très grand nombre de petits et très petits immeubles, gérés par des copropriétaires ou pas gérés du tout...

Fourni par 101 cabinets de syndic, il se répartit dans toutes les régions de façon à peu près homothétique par rapport au parc global, sans toutefois de possibilité d'évaluer sa représentativité, aucune statistique qualitative n'étant curieusement établie en France sur les immeubles en copropriété, alors même que les données brutes existent à l'INSEE lors de chaque recensement, mais il n'y a pas de traitement sur le critère du mode de propriété !

Les analystes sont donc réduits à en approcher la composition par le biais d'enquêtes comme celles des ADIL (notre article de décembre 2001), et on pourrait presque penser que l'échantillon de la CNAB serait une bonne approximation pour mieux connaître ce parc statistiquement fantomatique ! La prudence s'impose néanmoins, car la distribution géographique des cabinets CNAB est loin d'être homogène - leur implantation est forte en Ile de France, et surtout Rhône-Alpes et PACA, mais moins évidente dans d'autres régions - sans compter le caractère "typé" (certains diraient élitiste) de nombreux cabinets membres de cette organisation : par exemple en région parisienne, on les retrouve plus volontiers dans le parc "huppé" de l'Ouest parisien que dans les celui de la banlieue Est...

Mais même si l'échantillon est plus représentatif du parc CNAB que du parc global, il est loin d'être sans intérêt !

Répartis en six catégories suivant notamment leur date de construction, qui en détermine assez nettement la nature, les immeubles sont caractérisés par rapport à un certain nombre d'éléments significatifs de leur équipement et des contraintes de leur gestion : chauffage collectif ou non, présence d'ascenseurs, présence de personnel, recours à des sociétés extérieures, ou présence d'éléments de standing influant sur le niveau des charges ( espaces verts, parking en sous-sol, tennis, piscine, etc.).

On y voit de façon intéressante la répartition de ces éléments suivant l'époque de construction, mais aussi suivant la localisation géographique : on s'en doutait un peu, mais le parc d'immeubles en PACA n'est pas le même que celui de l'Ile de France ou du Nord-Pas de Calais...

L'analyse des charges se fait sur une sélection de 2901 immeubles, soit 75.400 logements représentant 1,2% du parc global ; elle subit les corrections nécessaires pour être représentative de l'échantillon global dont elle est tirée.

Innovation supplémentaire, l' "Observatoire des charges" a désormais une profondeur historique, puisque ces immeubles sont à présent suivis depuis 1990 et permettent de tenir un indice d'évolution depuis cette date !


Des résultats surprenants

Les résultats 2003, consultables en ligne (1) surprennent encore plus qu'en 2002 : les charges, classées en trois grandes catégories - charges "non discrétionnaires" (les copropriétaires ne disposent que peu de marge de manoeuvre : impôts, entretien fixe du chauffage ou des ascenseurs, assurances, syndic), charges "discrétionnaires" (les copropriétaires peuvent par leurs consommations ou décisions influer sur leur niveau : eau, énergie, combustibles de chauffage, frais de personnel, entretien, etc.) et gros travaux - et ventilées par poste sont rapportées au m2 de logement.

Surprise : elles ont beaucoup moins augmenté sur deux ans (2000 à 2002) que l'idée que s'en font les copropriétaires ! En tous cas moins apparemment que l'inflation (+1,6% par an) et surtout que le revenu disponible des ménages (+4,3%) : +0,5% par an globalement, + 0,4% pour les seules charges discrétionnaires et +0,7% pour les charges non discrétionnaires.

Bien entendu, ces chiffres moyens recouvrent des disparités :

- par poste de charges : +5% pour le chauffage, +2,5% pour les frais de personnel, mais -5,7% pour l'eau froide pour ne prendre que les plus significatifs ; notons +0,5% pour les honoraires de syndic et curieusement -3,5% pour les assurances (?)...

- par catégorie d'immeubles : -0,4% par an pour les immeubles d'avant 1948 sans chauffage collectif, -3,7% pour ceux avec chauffage collectif (!), -2,6% pour ceux construits entre 1948 et 1970, -1,5% pour ceux entre 1970 et 1976, stabilité pour les immeubles plus récents, mais hausse de 1% par an pour les IGH (immeubles de grande hauteur, seuls responsables en fin de compte de la hausse)...

- par région : -3% et -3,6% respectivement en Alsace et Nord-Pas de calais, -1,8% en Rhône-Alpes, +0,6% et 0,7% en Ile de France et Pays de Loire, +1,2% en PACA, et +4,7 et 5,8% en Bretagne et Limousin !


Encore plus surprenants sont les chiffres de l'indice depuis 1990 : -0,3% par an globalement hors gros travaux, et en fait -0,5% pour les charges discrétionnaires mais par contre +0,3% par an pour les charges non discrétionnaires !


Maîtrise des charges ou réduction des prestations ?

Difficile d'interpréter ces résultats pour autant qu'ils soient au moins partiellement représentatifs, ce qu'il ne faut pas exclure vu l'ampleur de l'échantillon : questionné sur les baisses les plus spectaculaires ou les plus surprenantes (comme les assurances !), Paul Rolland, président confédéral de la CNAB, a eu beau jeu de tirer la couverture vers ses adhérents, mettant ces bons résultats sur le compte d'une réelle volonté de maîtrise des charges, et de négociations, menées au niveau de son organisation, "qui ne lui ont pas fait que des amis" avec des professions comme les ascensoristes ou les exploitants de chauffage...

La réalité du terrain est plus complexe : la volonté de maîtriser les charges par une authentique optimisation des prestations, des mises en concurrence rigoureuses et systématiques et un contrôle serré au jour le jour de l'exécution des contrats et marchés, à supposer qu'elle existe sincèrement au niveau des instances dirigeantes de la profession de syndic et à celui des "patrons" de cabinets, gros ou petits, se heurte la plupart du temps à l'inertie des équipes de gestion, surchargées et peu motivées par l'exercice !

Comble du paradoxe, la remise en cause des routines installées au niveau de l'immeuble est, venant du syndic, vue avec suspicion par les conseils syndicaux qui, nombreux, ont accaparé la distribution des marchés et aiment s'attribuer les économies éventuellement réalisées ! Bref : la subite immixtion du syndic sur un terrain où on n'avait pas l'habitude de le voir faire du zèle surprend, éveille des soupçons, voire dérange, allez savoir pourquoi...

Reste évidemment l'action des copropriétaires, et notamment des conseils syndicaux, de plus en plus interventionnistes dans l'engagement des dépenses : elle est sans doute déterminante, et on doit lui attribuer la performance si tant est qu'elle soit réelle ! Sans omettre toutefois de se demander si le résultat obtenu l'a été par une bonne gestion à prestations égales rendues aux résidants ou si les économies réalisées l'ont été par diminution de la nature et la qualité de ces prestations : moins de personnel (à cet égard l'hécatombe des postes de gardiens doit y être pour beaucoup !), moins d'entretien, voire même moins de chauffage...

En ce sens, la tendance longue à la baisse des charges discrétionnaires peut inquiéter plus que satisfaire !


La vraie "bouteille à l'encre" : les travaux !

Globalement, l'observatoire de la CNAB révèle dans le parc de ses adhérents, qui rappelons-le n'est pas celui des copropriétaires les plus modestes, une tendance longue à la baisse du montant annuel des travaux exceptionnels rapportés au m2 de logement : les dépenses à ce titre se montaient aux environs de 3 euros par m2 au début des années 90, pour descendre aux environs de 2 de 1998 à 2001, le chiffre de 2,8 en 2002 (effet retard de la TVA à 5,5% ?) paraissant trop isolé pour ne pas attendre une confirmation ou infirmation ultérieure...

Et cette tendance n'est pas pour rassurer, avec un parc de copropriétés dont la plus grande partie date des années 70, et doit théoriquement consommer de plus en plus de gros entretien !

En tous cas, c'est probablement une bonne occasion de rappeler qu'un nombre croissant d'acteurs, au sein des pouvoirs publics ou dans les milieux professionnels ou associatifs (FFB, FNAIM, mais aussi ARC, ANCC, etc. (2), sonnent l'alarme quant au niveau d'entretien des immeubles en copropriété, notamment - et c'est nouveau - quand on le compare à celui du parc collectif locatif, celui des institutionnels mais aussi celui des HLM...



(1) sur le site de la CNAB rubrique actualités
(2)
FFB :Fédération française du bâtiment,
FNAIM : Fédération nationale des agents immobiliers,
ARC : Association des responsables de copropriété,
ANCC : Association nationale de la copropriété et des copropriétaires (anciennement de la copropriété coopérative)

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