ACTUS
Immeubles neufs (fin) : aller en justice ou pas, et comment ?
Le
30/4/2003
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Si les petits problèmes de finitions se règlent en général facilement tant que le responsable de programme du promoteur et les entreprises sont encore présents sur le chantier, le climat change radicalement une fois chacun reparti vers de nouvelles aventures, et c'est évidemment là qu'apparaissent les premières malfaçons sérieuses : infiltrations, fissures, décollages d'enduits, etc. Entrent alors en jeu les services après-vente et la bonne volonté - fréquente - des débuts disparaît rapidement dans la lourdeur kafkaïenne des mécanismes de mise en jeu des garanties des dizaines d'intervenants qu'implique une construction d'immeuble neuf... Passée la première exaspération, les copropriétaires confrontés à l'inertie et l'inefficacité des procédures amiables se retrouvent vite devant un redoutable dilemme : 'laisser tomber' ou s'engager dans une aventure judiciaire dont on sait assez bien comment elle commence, mais rarement comment et surtout quand elle se termine !
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Le premier recours des copropriétaires et du syndic confrontés, les uns à des désordres privatifs, et ensemble à des malfaçons et désordres sur les parties communes, est de mettre en jeu l'assurance "dommages-ouvrage" ; c'est gratuit, mais très décevant, les compagnies, confrontées quant à elles à un véritable désastre financier avec ce type de polices, ayant tendance à interpréter de façon très restrictive les désordres garantis, et à indemniser très chichement lorsqu'un désordre est accepté !
D'une part, passée l'année de la garantie de parfait achèvement, la "dommages-ouvrage" ne couvre que les désordres relevant de la garantie décennale, et uniquement ceux qui "compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui l'affectant dans un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination" (article 1792 du Code civil) ; cela donne lieu souvent à discussion : en réalité, seuls les problèmes affectant le clos et le couvert sont pris en compte, mais même dans ce cas, la réparation financée est de pure colmatage ! Une rustine en façade pour neutraliser une fissure infiltrante (peu importe qu'elle soit disgracieuse et qu'elle dévalorise l'immeuble, ce n'est pas le problème de la dommages-ouvrage), en aucun cas la reprise du ravalement mal réalisé...
Les tribunaux apprécient les dommages sur d'autres bases et font intervenir la dévalorisation potentielle ; mais l'action en justice ne doit être envisagée que pour des désordres graves, car elle est nécessairement longue et coûteuse, du fait notamment des expertises : celles-ci, aux frais avancés des demandeurs, prennent en général rapidement l'allure d'une machine infernale :
- par le nombre de parties mises en cause : le promoteur met en cause chacune des entreprises concernées et leurs assureurs, le maître d'oeuvre, tous les intervenants techniques et leurs assureurs, sans oublier la dommages-ouvrage qui doit aussi être mise en cause par les demandeurs,
- par leur formalisme : chaque pièce communiquée doit être diffusée à toutes les parties et à chaque nouvelle partie mise en cause, le principe du "contradictoire" oblige l'expert à lui rendre les travaux antérieurs de l'expertise "opposables", d'où une ou plusieurs réunions supplémentaires...,
- enfin, et ce n'est pas la moindre des causes de rallongement des délais au delà du raisonnable, du fait de toutes les ficelles et recours que chacune des parties peut faire usage pour se mettre hors de cause ou simplement gagner du temps et décourager l'adversaire ! Car entre-temps celui-ci reste avec ses désordres - qu'on ne peut pas réparer pour le cas où il faudrait encore faire des investigations - et doit continuer à avancer des honoraires de toutes sortes avec un espoir de résultat qui va inévitablement en s'amenuisant...
Résultat : à moins qu'avocats et syndic ne parviennent à convaincre les copropriétaires à "faire la part du feu" et de ne s'en tenir qu'à un ou deux désordres graves, d'une ampleur valant l'investissement d'une action judiciaire - ce qui est malheureusement contraire à la culture des nouveaux accédants qui ne supportent pas que la chose pour laquelle ils ont cassé la tire-lire ne soit pas comme ils l'avaient rêvée, c'est à dire impeccable... - les procédures durent des années et s'enlisent dans la multiplicité des demandes !
Les dossiers alors enflent et deviennent non maîtrisables, voire se perdent, et les réunions, mettant en scène chaque fois des dizaines de parties et leurs avocats, se succèdent et butent inexorablement sur les inévitables problèmes de transmission de pièces ou de chargés de dossier nouveaux qui ne sont pas au courant de l'affaire...
Inutile de dire qu'après un ou deux changements de gestionnaire ou de syndic, une ou deux générations nouvelles de membres du conseil syndical, peut-être un ou deux changements d'avocat, et en tous cas plusieurs dizaines de milliers d'euros de frais avancés, lots habituels des procédures qui durent parfois jusqu'à dix ans, il n'est pas rare que plus personne ne sache plus très bien ce qui était réellement demandé, ni à qui devraient bénéficier les indemnités si par chance et contre toute attente l'action finissait par aboutir...
Autre écueil : les actions visant les garanties contractuelles, pour les "non-façons" mentionnées précédemment : non seulement elles doivent être engagées par les acquéreurs, en groupement ou non, et non par le syndicat (voir notre article précédent), mais elles doivent l'être aussi avec le plus grand réalisme : rien ne sert en effet d'obtenir une belle condamnation en justice - sauf peut-être pour les cas graves en pénal pour escroquerie - si l'absence de surface financière du promoteur rend l'exécution illusoire ! Car aucune garantie extérieure ne pourra se substituer au promoteur défaillant, en particulier si celui-ci a organisé son insolvabilité (ce qui est fréquent avec nombre de "petits" promoteurs...)
L'impossible indépendance du syndic nommé par le promoteur
La question de la décision d'une action judiciaire, si elle s'avère nécessaire pour mettre en jeu les garanties du constructeur, en amène une autre, à laquelle il faut répondre rapidement : le syndic nommé par le promoteur, et en général confirmé par la première assemblée (qui constitue la plupart du temps la première occasion de contact en groupe entre les copropriétaires, et dont émerge le premier conseil syndical) est-il le mandataire idoine pour mener une procédure contre ce même promoteur ?
Nombre de syndics, placés dans cette situation, font un travail honnête... et finissent sur les listes noires des promoteurs ! Les autres, et notamment les grands groupes, qui comptent sur l'activité que leur procure l'apport régulier de mandats de ce type, essaient de se maintenir en donnant le change mais en évitant un zèle qui leur aliènerait un client fidèle...
Quelques facéties de promoteurs et de notaires...
D'autres avanies peuvent pimenter la vie du copropriétaire et du gestionnaire d'immeuble neuf : parmi celles-ci figurent en bonne place les erreurs dans les actes constitutifs : non cohérences entre l'état descriptif de division et les plans ou entre ces derniers et la réalité, bâtiments ou lots "fantômes", erreurs de calcul dans les tableaux de tantièmes, articles ou pages manquantes dans le règlement de copropriété, facéties de traitement de textes faisant apparaître des articles ou des paragraphes "intrus", etc.
Il y a aussi les clauses destinées à privilégier tel ou tel copropriétaire, par exemple l'ancien propriétaire ayant fait dation du terrain au promoteur ; enfin quelques cadeaux faits à lui-même par le promoteur : une pratique fréquente il a quelques années était de constituer le logement de fonction du gardien en lot privatif, que le promoteur se réservait bien entendu, et d'exiger ensuite de la copropriété de l'acheter ou de régler un loyer...
Et si, après un formidable empilage de textes et de dispositifs dont il faut aujourd'hui constater l'inopérance, une vraie réforme de la construction neuve créait enfin une garantie de résultat pour le consommateur ?...
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