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Lutte contre l'insécurité : et si c'était aussi une affaire de terrain ? Le 18/2/2002
UI - Actus - 18/2/2002 - Lutte contre l'insécurité : et si c'était aussi une affaire de terrain ?
Devenue comme c'était prévu le thème majeur de la campagne électorale qui s'ouvre, le débat sur l'insécurité semble une fois de plus ramené à une bataille de slogans qu'on s'emprunte et de promesses qu'on ne tiendra pas plus que dans le passé si l'on n'y consacre pas les milliards et la volonté politique qu'elles impliquent ! Pourtant, si la lutte contre la délinquance quotidienne comporte des aspects nationaux - organisation de la justice, de la police et de l'éducation, mais aussi lutte contre les trafics internationaux de la drogue et du blanchiment - elle comporte aussi un volet 'terrain', plus ingrat, et qui malheureusement dans le tintamarre médiatique passe au second plan : un colloque organisé par le ministère du logement le 12 février sur le thème de la sécurité de l'habitat le rappelle opportunément, dans la foulée des dispositions concrètes de la loi sur la sécurité quotidienne et du décret sur les obligations de gardiennage !

L'insécurité est plus durement ressentie dans l'habitat collectif, et même si, comme le montre un rapport récent commandé par le secrétariat d'Etat au logement, elle frappe encore plus les cités HLM que les autres quartiers, les ensembles locatifs du secteur privé et les copropriétés grandes ou moyennes n'y échappent pas !

Si le phénomène n'est pas nouveau, il prend de l'ampleur avec les phénomènes de bandes, une accélération des dégradations et une agressivité de moins en moins contenue à mesure que se développe un sentiment d'impunité, conséquence de la saturation de la machine judiciaire et des moyens - gravement insuffisants - des moyens de traitement socio-éducative de la délinquance des mineurs, plus que d'un prétendu "laxisme" que démentent régulièrement les statistiques et l'expérience de ceux qui vivent l'activité des tribunaux au quotidien...

Ce qui par contre est nouveau, c'est la prise de conscience des possibilités de lutte efficace à l'échelon local - commune, quartier, voire ensemble immobilier ou copropriété (voir notre article de janvier 2001) !

Côté pouvoirs publics, la mise en place des contrats locaux de sécurité (546 signés à ce jour), de la police de proximité et des emplois de médiateurs et d'adultes relais accroît le rôle des maires en même temps qu'elle amène les différents acteurs locaux - bailleurs sociaux notamment - à coopérer avec les représentants des autorités de police et de justice, les services sociaux, les associations etc.

La loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne renforce le dispositif instauré par la loi du 21 janvier 1995, dite "loi Pasqua", qui, d'une part, a institué une obligation de surveillance et de gardiennage à la charge des propriétaires ou des gestionnaires d'immeubles à usage d'habitation et de locaux administratifs, professionnels ou commerciaux, d'autre part, a prévu l'intervention possible des forces de l'ordre - police nationale et gendarmerie - dans les parties communes des immeubles d'habitation sur autorisation permanente accordée par les propriétaires ou copropriétaires. Une telle intervention est désormais élargie à la police municipale. Par ailleurs, en dehors du cas où une autorisation permanente aura été obtenue, elle pourra avoir lieu sur demande des propriétaires ou gestionnaires, à la condition qu'ils aient satisfait aux exigences de l'article L. 127-1 du Code de la construction et de l’habitation, renforcées par la loi relative à la sécurité quotidienne. Ils sont désormais tenus, non seulement d'organiser le gardiennage et la surveillance de l'immeuble lorsque son importance ou sa situation le justifient, mais encore de "prendre des mesures propres à éviter les risques manifestes pour la sécurité et la tranquillité des locaux".

Le décret du 28 décembre 2001, en créant un nouvel article R127-1 dans le Code de la construction et de l’habitation, instaure de manière échelonnée l'obligation sous peine de sanctions pénales pour tout bailleur qui gère "cent logements locatifs ou plus dans un immeuble ou groupe d'immeubles collectifs formant un ensemble" d'employer au moins une personne dédiée (concierge, gardien, employé d'immeuble, prestataire de services), à temps plein ou équivalent, "par tranche de 100 logements". "Agents de prévention et de médiation" ou "correspondants de nuit" peuvent compléter le dispositif.

Cette obligation est valable pour les ensembles locatifs mais aussi pour les patrimoines locatifs possédés par de nombreux bailleurs sociaux ou institutionnels dans les copropriétés (voir notre article).

Les acteurs locaux - gestionnaires, syndics, gardiens - voient leurs moyens d'action élargis : outre la possibilité de faire appel aux forces de l'ordre en cas d'attroupements, agressions ou trafics à l'intérieur des immeubles, la loi sur la sécurité quotidienne leur permet de faire mettre en fourrière les épaves même en des lieux où le Code de la route ne s'applique pas : parkings privés par exemple...

D'autres mesures ont été annoncées à l'occasion d'un colloque sur la sécurité dans l'habitat tenu à Paris le 12 février 2002 :

- création d'une mission "sécurité dans l'habitat" dont le rôle tiendra autant de l'observatoire de terrain que du laboratoire d'idées ;

- lancement d'une campagne nationale pour un "code de civilité" dans l'habitat : rappel des règles de vie en commun, du sens civique, etc.

- réhabilitation et traduction des règlements intérieurs, mise en place de carnets d'accueil et encouragement des contacts avec les nouveaux arrivants ; une réflexion doit même être engagée avec les associations représentatives autour d'une journée nationale d'accueil des nouveaux locataires...

- encouragement des expérimentations initiées par certains bailleurs qui, souhaitant disposer d'un diagnostic du fonctionnement de leurs services de proximité, ont initié des programmes d'évaluations de la qualité des services rendus et contractualisation avec les bailleurs qui le désireraient, d'un outil d'évaluation de la gestion de proximité. Véritable indicateur de "bien-être résidentiel", il serait défini en commun et prendrait en compte des dimensions
aussi diverses que la qualité phonique et thermique du logement, la qualité de ses équipements (sanitaires, chauffage, électricité) et de ceux de l'immeuble (ascenseurs ; éclairage des parties
communes, garantie d'accès et de sécurité aux espaces communs (digicode, caves, parking...), l'accessibilité du bâti aux handicapés, la fréquence et la qualité des services : entretien et maintenance pour le bâti et les espaces extérieurs, nombre de gardiens rapportés au nombre de logements et temps de travail effectif ;

- renforcement du recrutement, de la qualification et de la professionnalisation des gardiens : ouverture notamment de sessions supplémentaires de préparation au CAP de gardien d'immeuble et validation des acquis professionnels notamment (possibilité crée par la loi de modernisation sociale) ;

- plans et chartes "lumière" pour la prise en compte du caractère stratégique de l'éclairage dans la requalification des quartiers...


En fait, toutes ces mesures relèvent d'une tendance qui ne cesse de s'affirmer de la part des pouvoirs publics et qu'on peut traduire par le principe : "aide-toi et le ciel t'aidera" ! A chacun de se prendre en charge - conseils syndicaux, associations de locataires en liaison avec les syndics et gestionnaires - et faire preuve d'initiative et d'imagination...

Et aussi de se positionner comme acteurs de la ville à part entière, et ne pas hésiter à coordonner leurs actions avec les autorités, par le canal privilégié de la mairie, devenu chef d'orchestre à l'échelon local, pour la sécurisation des immeubles et des espaces privés, comme pour la lutte contre les fauteurs de troubles ; quitte à les solliciter financièrement quand il s'agit d'espaces privés ouverts au public, cas fréquents quand les résidences privées comportent un centre commercial, ou des espaces verts, des voies de circulation ouverts ou des parcs de stationnement publics !

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