Longtemps atomisées, plus proches de l'activité libérale que de l'entreprise, les professions immobilières vivent depuis une vingtaine d'années un mouvement de concentration à marche forcée : groupes issus de l'immobilier, groupes industriels, institutions financières, assurances, et même dernièrement une multinationale, tout le monde s'y est mis, créant un formidable effet d'aspiration des cabinets indépendants qui - soit à l'occasion du départ en retraite de dirigeants âgés, soit par découragement devant la dégradation des conditions d'exercice des métiers, notamment de syndic de copropriétés, voire en raison de difficultés financières largement attribuables à une guerre des prix suicidaire menée autant par les petits que par les gros - se laissent racheter les uns après les autres, en général sans grand ménagement pour les clients qui n'y trouvent que rarement leur compte...

20 à 25 % du marché aujourd'hui, 30 à 40% demain, la concentration grignote inexorablement les professions immobilières : cabinets d'administration de biens d'abord, mais aussi agences immobilières (les cabinets rachetés ont souvent les deux activités), réseaux de franchisés, tout y passe ! Certains groupes tel Foncia, qui absorbe plusieurs dizaines de cabinets par an, ont mis en place une véritable organisation pour rechercher puis intégrer le produit de leur chasse...

Lancé dans les années 80 par la Générale des Eaux, devenue Vivendi Environnement, et par la Franco-suisse de gestion, devenue Foncia, d'abord séparément puis de concert, le mouvement a fait tâche d'huile mais a aussi changé de nature ; aujourd'hui les groupes industriels, Vivendi et Lyonnaise, qui lui avait emboîté le pas, se désengagent : la Lyonnaise l'a fait totalement en vendant Capitales, puis Cabinet Villa, tombé dans son escarcelle par la branche belge de Tractebel !

Ont pris le relais les institutions financières - Caisse des dépôts pour le GFF et récemment pour Cabinet Villa, Groupe des Caisses d'Epargne via le Crédit Foncier pour Gestrim qui a absorbé Capitales et plus récemment Kéops - une mutuelle d'assurances comme MAAF, et même un outsider comme la branche financement de General Motors qui vient de prendre une participation majoritaire dans le groupe Bazin !...

Mais il est aussi des groupes issus du métier, et montés certes avec l'appui de banques et de partenaires, mais par des dirigeants, pour certains charismatiques : Jean-Louis Chollet pour Lamy SA, la tribu familiale des Loiselet et Daigrement pour le groupe du même nom, Eric Derely pour Sergic, Michel Moubayed pour Vendôme Rome, qui a aussi racheté la franchise Laforêt et plus récemment Auguste Thouard, et enfin Jacky Lorenzetti pour le n°1 Foncia, aujourd'hui le seul à avoir atteint la consécration de l'entrée en Bourse, ces groupes étant au demeurant aujourd'hui les plus gros aspirateurs à cabinets...

Plus quelques jeunes pousses comme Patrimonia des frères Soutoul ou, plus original, le groupe Oralia, de Serge Déglise, groupe de cabinets indépendants mettant en commun leurs moyens...

Le problème est qu'on ne sait finalement pas très bien, au delà des déclarations convenues, quel est l'objectif réel de cette boulimie : la croissance pour la croissance, les économies d'échelle - mais sont-elles si importantes que cela dans des métiers qui restent artisanaux dans leur exercice quotidien, ce que confirment au demeurant les résultats plutôt modestes de la plupart - ou les synergies et les retombées vers des activités financières - mais sont-elles à la hauteur, sans parler des produits financiers qui ne sont plus qu'une ressource d'appoint ?

Ce qui est sûr, c'est que l'objectif initial des rachats de cabinets de syndics par la Générale des Eaux, qui était d'offrir un débouché privilégié pour les entreprises du groupe - chauffage, ascenseurs, prestations techniques - a fait long feu : les conseils syndicaux et les gestionnaires à leur contact ont fait de la résistance, d'où probablement le repli stratégique...

Reste la qualité du service au client ! Malheureusement, si elle fait, ou si elle a fait partie pour certains des objectifs poursuivis, on ne peut s'empêcher de penser globalement à un rendez-vous manqué...


La semaine prochaine : et le client dans tout cela ?...

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