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Frais de recouvrement des charges impayées : les juges font de la résistance Le 7/7/2001
UI - Actus - 7/7/2001 - Frais de recouvrement des charges impayées : les juges font de la résistance
Les juges n'aiment pas les syndics, qu'on se le dise, au point même d'en pénaliser les syndicats de copropriétaires ! En témoigne la saga à épisodes des frais de recouvrement des charges impayées en copropriété : mesure demandée et attendue pour une fois unanimement par la grande majorité des copropriétaires, les associations de consommateurs et par les syndics, la disposition de la loi du 13 décembre 2000, dite loi "SRU" (Solidarité et renouvellement urbains), qui met à la charge du copropriétaire débiteur "les frais nécessaires exposés par le syndicat, à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d'une créance justifiée" est battue en brèche par la Cour d'appel de Paris, qui s'est déjà distinguée il est vrai dans ce domaine par des jugements iniques au détriment de syndicats de copropriétaires...

C'est une vieille histoire ! Les copropriétaires négligents ou de mauvaise foi qui accumulent des arriérés parfois considérables pénalisent triplement les autres copropriétaires : en les obligeant à faire l'avance à leur place des fonds qu'ils ne règlent pas pour permettre à la copropriété de continuer à faire face à ses dépenses, en leur faisant courir le risque d'avoir à prendre en charge tout ou partie de leur dette au cas où ils s'avèreraient insolvables - la prétendue non-solidarité des copropriétaires pour le paiement des charges n'est qu'un poisson d'avril pour acquéreurs trop crédules - et enfin en leur faisant avancer des dépenses de recouvrement pouvant se chiffrer en dizaines de milliers de francs, très partiellement récupérables dans le cadre des procédures devant les tribunaux.

Certes, l'article 36 du décret du 17 mars 1967, stipulant que les charges impayées portent intérêt au taux légal au profit du syndicat, permet de compenser pour les autres copropriétaires les avances qu'ils doivent faire pour remédier au déficit de trésorerie entraîné par les arriérés et les frais avancés du recouvrement. Encore faut-il noter que les tribunaux n'allouent ces intérêts qu'à compter de la date d'assignation, quand ce n'est pas de celle du jugement...

Par ailleurs, les tribunaux allouent volontiers au syndicat poursuivant des indemnités pour frais "irrépétibles" en application de l'article 700 du NCPC (Nouveau Code des procédures civiles). Mais les montants alloués sont ridiculement faibles - les magistrats ignoreraient-ils à ce point l'ordre de grandeur des honoraires des avocats qui plaident devant eux à longueur de journée, ou considéreraient-ils qu'ils exagèrent ? Enfin, ils n'accordent que très exceptionnellement des dommages et intérêts. Résultat, pour une procédure en recouvrement dont le coût dépasse 15 à 20.000 francs, il n'est pas rare que les deux tiers restent définitivement à la charge des copropriétaires !

A l'origine, les syndics, bien qu'en butte à la réticence déjà croissante des magistrats et une jurisprudence à donner le tournis, arrivaient tant bien que mal à obtenir, quand elle y figurait, l'application aux dépenses de recouvrement de la clause dite "d'aggravation des charges" présente dans de nombreux règlements de copropriété et qui n'était que la traduction du plus pur principe de responsabilité : tout copropriétaire occasionnant par sa faute une dépense à la copropriété doit seul en supporter la charge!

Mais Patatras ! L'article 32 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, entrée en vigueur au 1er janvier 1993, a bloqué définitivement cette possibilité en stipulant que seuls les frais d'exécution forcée pouvaient être mis à la charge du débiteur et que, sauf mauvaise foi très difficile à faire valoir dans la pratique, les frais engagés en vue de l'obtention d'un titre exécutoire restaient à la charge du créancier, "toute stipulation contraire" étant "réputée non écrite" !...

Des avocats ont bien essayé -et quelquefois réussi - quelques coups judiciaires, comme faire imputer au débiteur les frais de recouvrement au titre d"impenses" du syndicat (trop long à expliquer...), mais ces tentatives ont fait long feu ! Au grand dam des syndics qui se voyaient nargués par les débiteurs, mais aussi des associations de consommateurs qui, après avoir de façon quelque peu irresponsable aidé certains de leurs adhérents de mauvaise foi à se défendre contre les syndics, ont fini par réaliser les dégâts occasionnés aux copropriétés...

Restait la voie législative : un puissant lobby s'est donc mis en branle, aboutissant à faire adopter dans les wagons de la fameuse loi du 13 décembre 2000, dite loi "SRU" (Solidarité et renouvellement urbains), un nouvel article 10-1 à la loi du 10 juillet 1965, stipulant que "les frais nécessaires exposés par le syndicat, à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire, sont imputables à ce seul copropriétaire".

Disposition d'autant moins attaquable qu'elle était assortie de garde fous sérieux, prévoyant notamment que "le copropriétaire qui, à l'issue d'une instance judiciaire l'opposant au syndicat, voit sa prétention déclarée fondée par le juge, est dispensé de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires", et même que "le juge peut toutefois en décider autrement en considération de l'équité ou de la situation économique des parties au litige"...

Affaire classée ? Que nenni ! Outre le fait que cette disposition a été rapidement attaquée par les juristes bien pensants, elle a révélé un véritable talon d'Achille : le terme de "frais nécessaires" que les juges n'ont pas tardé à interpréter à leur façon, n'hésitant pas à faire fi de la volonté du législateur, telle qu'elle s'exprime sans ambiguïté dans les débats parlementaires qui ont conduit à l'adoption de la loi !...

D'où une série d'arrêts de la Cour d'appel de Paris des 11 et 18 janvier 2001 excluant de ces "frais nécessaires" les honoraires de relance et de contentieux du syndic - prestations que les syndics facturent à juste titre hors forfait de gestion courante et qui, sauf cas de barèmes abusifs, correspondent à un travail important et indispensable - et les honoraires d'avocat, sous le prétexte que ceux-ci peuvent être indemnisés dans le cadre de l'article 700 susmentionné ! Restent admis le coût de la mise en demeure et celui de l'inscription d'hypothèque, autrement dit trois francs six sous...

Retour à la case départ ? Sauf rappel à l'ordre peu probable de la Cour de cassation, c'est à craindre. A moins que les magistrats, dont on arrive à se demander s'ils n'habitent pas tous en maison individuelle, ne réalisent que le créancier dont il s'agit n'est autre que le syndicat des copropriétaires, en fait les autres copropriétaires, et en particulier ceux qui font l'effort de régler leurs charges sans histoires...

(Voir notre dossier sur les voies et moyens de la justice civile et pénale)

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