Le septième rapport de l’Observatoire des territoires, réalisé par le bureau de l’observation des territoires du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), est consacré à l’étude des mobilités résidentielles. Il permet de dépasser certaines idées reçues, par exemple sur la faible mobilité résidentielle des Français ou à l’inverse le mythe d’une société hypermobile.
L'observatoire nous apprend qu'au cours des dernières années, et surtout depuis la crise de 2008, la mobilité résidentielle des Français a diminué : ils déménagent aujourd’hui moins, et moins loin que dans les années 1990, même s’ils restent plus mobiles que leurs voisins européens. Les zones qui bénéficient le plus des apports migratoires se sont resserrées sur celles qui étaient déjà les plus attractives auparavant (façade atlantique, Occitanie, Corse). L’étude démonte également, le caractère profondément inégalitaire de la mobilité résidentielle. Celle-ci ne ferait qu’accroître les divergences entre les territoires plus qu’elle ne favorise la mixité sociale, ce qui présente un défi pour la cohésion sociale et territoriale.
Les mobilités résidentielles des jeunes sont fortement conditionnées par l’inégale répartition territoriale de l’appareil de formation et des opportunités d’embauche. Les moins mobiles sont ceux qui vivent dans les plus grandes aires urbaines, où ils peuvent accéder à une offre importante, contrairement aux jeunes ruraux qui sont souvent obligés de partir pour suivre une formation ou qui y renoncent, en s’insérant plus rapidement dans l’emploi sur place. Par ailleurs, la mobilité semble, dans une large mesure, être l’apanage des jeunes les plus dotés en capital économique et social : de ce point de vue, la concentration de l’offre de formation supérieure et des emplois qualifiés dans un nombre restreint de pôles urbains réduit les chances qu’ont les moins nantis d’y avoir accès.
Pour les actifs plus âgés, les analyses conduisent à remettre en question le caractère positif de la mobilité géographique. Celle-ci semble en effet être globalement plus déstabilisante pour les trajectoires professionnelles des individus que le fait de rester dans le même territoire : en effet, la part des individus n’étant plus en emploi après un changement de territoire est systématiquement supérieure à celle de la population n’étant plus en emploi en étant restée dans le même territoire entre 2009 et 2014. En parallèle, les pertes d’emploi associées à la mobilité sont plus fréquentes que les entrées en emploi. Ceci est plus particulièrement vrai pour les moins diplômés d’entre eux. Et si, pour les individus au chômage, la mobilité résidentielle semble exercer un effet légèrement positif sur le retour à l’emploi, en réalité ce critère a une importance bien moindre que le diplôme et l’âge.
Trois raisons sont avancées qui démentent que la mobilité résidentielle serait la seule réponse aux écarts entre les territoires :
• parce qu’elle est caractérisée par de fortes segmentations sociales (tous les individus n’ont pas la même capacité à déménager);
• parce qu’elle joue un rôle différent selon les individus. Favorisant l’accès des uns (les plus jeunes et les plus diplômés) aux études et à l’emploi, elle précipite les pertes d’emploi et l’entrée en inactivité pour les autres (les moins diplômés, mais aussi les jeunes femmes en couple);
• parce qu’enfin elle va contre la volonté de la plupart des Français, qui aspirent à s’investir dans leur territoire plutôt qu’à le quitter.
Ainsi jouer de la concurrence entre territoires ne ferait qu’aggraver la situation. L’étude indique que la concurrence des territoires pour attirer de nouveaux ménages, qui peut certes parfois être le moteur d’innovations locales, semble creuser des inégalités préexistantes en favorisant certains espaces déjà attractifs au détriment de ceux qui le sont moins, et en accentuant les disparités de répartition des différents groupes sociaux.
D’autre part, l’étude nous apprend qu’aujourd’hui, la mobilité résidentielle des actifs n’est plus une ressource pour sécuriser les trajectoires professionnelles. Elle ne l’est que pour certains, notamment pour les plus diplômés, mais l’importance des segmentations socio-démographiques invite à considérer avec prudence les statistiques descriptives qui dressent un tableau en trompe-l’œil du lien entre mobilité géographique et emploi.
Dans sa conclusion, l’Observatoire recommande le renforcement des politiques de l’habitat, de logement social et les politiques foncières. L’application des outils législatifs et réglementaires qui y sont associés (tels que ceux de la loi SRU, par exemple) étant essentiels pour rendre le cœur des agglomérations plus accessibles à toutes les catégories de la population et contrer les puissants effets ségrégatifs des mobilités de proximité, qui constituent la plupart des mouvements résidentiels.
Les mobilités résidentielles en France - Tendances et impacts territoriaux : rapport 2018 de l'Observatoire des territoires -
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