La part du revenu que les ménages consacrent à leur logement est un indicateur souvent utilisé pour mesurer l’effort que les ménages consentent pour se loger. Cet effort est considéré comme plus important en France qu’en Allemagne. Mais l'appréciation dépend d’une part des définitions retenues et d’autre part de nombreux facteurs qui renvoient à des situations particulières (statut d’occupation, lieu d’habitation, coût lié chauffage, revenu, etc.) des ménages qu’ils soient en Allemagne ou en France. C'est ce qu'analyse une étude du Data Lab du Commissariat général au développement durable (1).
En 2012, le prix au mètre carré moyen à Berlin se situait autour de 2.200 euros alors que l’équivalent parisien était autour de 8.200 euros. Mais réduire la comparaison France-Allemagne à cette seule différence entre capitales masque une réalité bien plus complexe. En fait, la mesure du poids du logement dans le revenu des ménages s’appuie traditionnellement sur le taux d’effort, part des dépenses liées à l'habitation principale dans le revenu disponible. Mais il y a deux méthodes de calcul : l’une macroéconomique, l’autre microéconomique. Ces deux mesures du même phénomène donnent des éclairages très différents sur le poids du logement dans chacun des pays. En macro, les taux moyens français et allemands sont proches, mais le taux français est supérieur. En micro, c'est l'inverse et les écarts sont beaucoup plus creusés !
Le taux micro est la moyenne des taux d’effort des ménages. Chaque ménage a donc un poids équivalent dans cette mesure, alors que le taux macro est le rapport entre la somme des dépenses en logement d’une population et la somme des revenus disponibles de cette même population. Chaque ménage a donc un poids proportionnel à son revenu.
Le taux d’effort micro en logement dépend fortement du statut d’occupation. En effet, un propriétaire non accédant par exemple n’a plus ni loyer ni charge d’emprunt dans ses coûts et bénéficie donc en général d’un faible taux d’effort. En 2012, environ 64% de propriétaires sont recensés en France contre 53% en Allemagne. En outre, la France compte également plus de locataires du parc social : 14% contre 5% en Allemagne en 2012. Cette catégorie bénéficie également d’un coût du logement réduit par rapport aux locataires du secteur libre puisque leur loyer n’est pas un loyer de marché mais un loyer "aidé". Ce chiffre est néanmoins à tempérer car une partie des locataires du secteur dit "libre"
en Allemagne bénéficie d’une forme d’encadrement des loyers ou de loyers plus modérés.
Ces différences d'occupation du parc n’expliquent pourtant pas l'intégralité de l'écart entre les taux d'effort moyens des deux pays. En effet, des différences de taux d’effort persistent au sein d’un même statut d’occupation, à l’exception des locataires du parc privé pour qui les taux d’effort sont proches. Par exemple, la moyenne des taux d’effort des propriétaires accédants français est de 12 points de pourcentage plus faible que la moyenne allemande correspondante.
La population allemande est localisée dans des zones à la fois moins denses et moins rurales que la population française. Cette différence de répartition semble à peu près neutre en termes de taux d’effort puisque les taux d’effort plus élevés des habitants des zones denses sont compensés par les taux d’effort plus faibles des habitants des zones faiblement peuplées.
A noter que les prix des logements n’influencent pas directement le taux d’effort en logement. En effet, seuls les
remboursements des intérêts d’emprunt sont inclus dans la définition du taux d’effort micro. Or, le montant des intérêts n'est pas seulement lié aux niveaux des prix mais dépend aussi de l'état du marché du crédit et de la solvabilité des ménages. La taille des logements explique en partie des dépenses de logement plus élevées pour les allemands. Si en brut, les dépenses de logement sont en moyenne de 40% supérieures en Allemagne qu’en France
(692 euros par mois contre 492 pour la France), cela masque des différences entre les statuts d’occupation. La dépense moyenne des propriétaires est plus élevée en Allemagne qu’en France. Ceci s’explique seulement en partie par le fait que les logements des propriétaires allemands sont plus grands que ceux des propriétaires français. Au contraire, pour les locataires du secteur libre, les dépenses mensuelles sont moins élevées en Allemagne qu’en France bien que les logements allemands correspondants soient légèrement plus grands. Ceci est aussi observé, dans une moindre mesure, pour le secteur social. Enfin, la proportion d’individus résidant dans une maison est plus importante en France qu’en Allemagne et ceci pour tous les statuts d’occupation...
Enfin, dernier facteur expliquant la différence micro contre-intuitive : les dépenses en énergie. Ceci pourrait être dû à une différence de climat non négligeable entre les deux pays (12,6°C en moyenne en France contre 8,6 °C en Allemagne) mais également à des prix de l’énergie plus élevés en Allemagne qu’en France, notamment les prix de l’électricité (0,26 euros/kilowatt-heure en Allemagne contre 0,14 en France) !
(1) Data Lab du Commissariat général au développement durable - Janvier 2018 : Comparer le poids du logement en France et en Allemagne : le taux d'effort moyen ne suffit pas
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