C'est un pavé dans la mare que lance l'Observatoire Crédit logement / CSA du financement des marchés résidentiels, dans une analyse chiffrée rigoureuse du financement des opérations immobilières réalisées par les particuliers de 2004 à 2015. Elle est issue d'une enquête effectuée annuellement depuis 1979 auprès de la quasi-totalité des établissements distributeurs de crédit, et permet de connaître avec exactitude les volumes et les caractéristiques des dossiers de prêts ayant financé chaque année l'acquisition de résidences principales, de résidences secondaires, de biens d'investissement locatif ou des travaux.
Or, quand il s'agit d'établir les volumes annuels d'opérations financées, les résultats obtenus sont discordants avec ces volumes de transactions communiqués par l'INSEE, dont la source est le notariat, ou encore ceux publiés par le CGEDD (commissariat général à l'environnement et au développement durable), rattaché aux ministères de l'écologie et du logement. En effet, l'observatoire recense par exemple en 2015 825.000 acquisitions immobilières financées tout compris, neuf et ancien, et toutes destinations (résidences principales, secondaires ou investissement locatif), dont 219.000 pour des transactions dans le neuf et 606.000 dans l'ancien. Problème : pour l'ancien, les chiffres issus des notaires et traités par l'INSEE et le CGEDD donnent pour la même année 802.000 transactions dans l'ancien, ce qui laisserait supposer que près de 200.000 acquisitions s'effectuent au comptant, ce qui est invraisemblable. On estime que la proportion des opérations réalisées sans crédit ne dépasse pas 10 à 12%, soit environ 80.000 ventes. Les chiffres officiels seraient donc sur-estimés de 100 à 120.000 unités !
Cette différence se retrouve les années précédentes : l'INSEE donne pour 2014 694.000 ventes dans l'ancien alors que l'observatoire n'en recense que 522.000 financées par crédit, soit un différentiel de 172.000 opérations payées "cash", soit 25%. Et ainsi de suite : 27% en 2013, et même 33% en 2012 ! De quoi se poser de sérieuses questions sur les statistiques publiques ! D'autant que ce n'est pas la première fois que les institutions de l'Etat seraient prises en défaut : en février 2015, le CGEDD reconnaissait avoir sous-estimé les chiffres de la construction de logements au niveau des mises en chantier de 58.000 unités en 2014, de 70.000 en 2013, de 53.000 en 2012 etc., en tout de 350.000 logements depuis 1997...
L'étude de l'Observatoire livre au passage plusieurs informations intéressantes :
- même si le neuf s'est réveillé depuis 2014 et 2015 (respectivement 168.000 et 174.000 opérations), le fort redémarrage de l'accession en 2015 (+12,8%) est essentiellement tiré par l'ancien qui passe de 477.000 ventes à 555.000 (+16,3%). Le neuf, qui ne progresse que de 3%, ne représente plus qu'un petit quart des opérations (23,6% en 2015 contre 28,8% en 2012).
- dans cette progression globale de l'accession en 2015, les primo-accédants progressent à la fois en nombre (503.000 opérations contre 414.000 en 2014, soit +21,5%) pour atteindre 69% du nombre total des accédants, et même 72% dans le neuf. Cette proportion est plus faible en Ile-de-France (62,1% et même 38,7% à Paris, ce qui se comprend vu le niveau des prix), en grande Aquitaine (60 à 63%), dans le Nord (60%) ou encore en PACA (64%), mais monte jusqu'à 81 à 83% en Champagne-Ardennes, Lorraine ou Franche-Comté, en passant par 74 à 76% en Bourgogne, Rhône-Alpes et Auvergne...
- les moins de 30 ans - essentiellement primo-accédants - progressent en nombre mais voient leur part diminuer (23,7% en 2015 alors qu'ils avaient atteint 28,4% en 2006) alors que les plus de 50 ans progressent fortement (17,7% en 2015 alors qu'ils ne représentaient que 9,5% en 2005).
- comme dans toutes les périodes de reprise du marché, la part des ménages modestes augmente rapidement, accompagnée par une baisse du revenu moyen des accédants ; les ménages gagnant moins de 3 SMIC représentent 52,7% des opérations contre 49,2% en 2013.
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